Au procès Troadec, la mécanique délirante de « deux blessés de la vie » expliquée par les psychiatres – Le Monde

Lors du procès Troadec, à la cour d’assises de Loire-Atlantique, à Nantes, le 22 juin 2021.

Deux lanternes s’approchent dans le noir. Elles viennent nous cueillir là où l’effroi des jours qui ont précédé nous avait recroquevillés. On s’accroche à la lueur, on se déplie, on se laisse guider. Vendredi 2 juillet, devant la cour d’assises de Loire-Atlantique, à Nantes, les psychiatres Daniel Zagury et Michel Dubec, commis pour expertiser les deux accusés Hubert Caouissin et Lydie Troadec, sont venus éclairer les gouffres.

Ils nomment, et déjà cela fait du bien. Les quatre meurtres d’Orvault perpétrés en février 2017 par Hubert Caouissin sont le fruit d’un « délire à deux, d’une contagion mentale ». « La psychiatrie n’en a jamais connu d’aussi parfait que celui-là. L’idée de l’un devient celle de l’autre. Le moi de l’un incorpore une partie du moi de l’autre », relève Michel Dubec. Pour les deux accusés, les psychiatres ont retenu l’altération du discernement au moment des faits.

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Au commencement est l’algorithme d’un site de rencontres qui, en mars 2006, met en relation « deux blessés de la vie », Hubert Caouissin, 36 ans, et Lydie Troadec, 37 ans. Frustrations, solitude et ressentiment social en sont le ciment. « Il s’appuie sur elle, elle s’appuie sur lui. Tous deux se réparent mutuellement. » Elle doute, ressasse, accumule – « Chez elle, tout est platitude » –, il la rassure, va au bout de ses idées.

« Une étincelle sur un tonneau de poudre »

Un enfant naît après une grossesse difficile, un cancer du sein lui est diagnostiqué dans les mois suivants, Lydie Troadec redoute une fois de plus « de ne pas être au niveau ». Son frère Pascal, fils préféré du père défunt, et son épouse Brigitte ont déjà deux enfants, tous sont en bonne santé. La rancœur de Lydie Troadec s’accroît. Hubert Caouissin rencontre pour sa part des difficultés professionnelles à l’arsenal de Brest. Il se sent déclassé – ses deux frères et sœur sont tous plus diplômés que lui – et souffre d’hyperacousie, une intolérance au bruit. « Burn-out » diagnostique le médecin, qui lui signe un long arrêt de travail. « Préface au délire », traduisent les deux experts.

Sur ce terreau fragile, « une étincelle tombe comme sur un tonneau de poudre » : l’hypothèse d’un trésor caché, dont Lydie serait forcément spoliée. « L’or devient un délire partagé, conjoncturel. Il vient en contrepoint de leur situation difficile tant sur le plan de la santé que du travail. Ce qui apparaît comme de la cupidité n’est qu’un élément du délire. » Peu importe que cette hypothèse ne repose sur rien, Hubert Caouissin va en traquer les « indices ». « Il se comporte comme un enquêteur délirant qui cherche les preuves de sa conviction. »

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