Au procès des attentats du 13-Novembre, le franc-parler de l’ex-juge Marc Trévidic : « On ne contrôle plus rien. Tous les signaux sont au rouge » – Le Monde

L’ancien juge antiterroriste Marc Trévidic témoigne lors du procès du 13-Novembre devant la cour d’assises spéciale du tribunal de Paris, le 3 mai 2022.

On ne retiendra pas les dépositions de tous les « grands témoins » – président de la République, ministre de l’intérieur, sociologues ou journalistes – venus à la barre du procès des attentats du 13-Novembre, mais on retiendra celle de Marc Trévidic. Le magistrat de 56 ans, ancienne figure de l’antiterrorisme en France, s’est présenté devant la cour d’assises spécialement composée de Paris, mardi 3 mai, pour raconter, pendant quatre heures et avec un franc-parler largement apprécié, la montée de la menace djihadiste et la submersion des services de renseignement dont il a été témoin jusqu’en 2015.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Marc Trévidic, le juge qui ne résiste pas à la lumière

Marc Trévidic a connu « l’âge d’or » de l’antiterrorisme, au début des années 2000, à son arrivée au parquet antiterroriste de Paris. A l’époque, les terres de djihad sont l’Afghanistan ou la Bosnie ; il faut déjà gérer des retours en France, mais les moyens sont adaptés à la menace : « Quand quelqu’un revenait, le renseignement le surveillait pendant un an et ne le lâchait pas. On surveillait cent personnes en même temps. »

Lorsqu’il devient juge d’instruction antiterroriste en 2006, après trois ans loin de cette matière, les choses ont changé. Il découvre une « nouvelle génération, fruit d’un djihad médiatique ». Les filières des Buttes-Chaumont à Paris, de Montpellier, d’Artigat en Ariège, des jeunes « fascinés par le 11-Septembre » et marqués par les images de Guantanamo et de la prison d’Abou Ghraïb en Irak, qui « se montent la tête devant des vidéos ».

La marmite du djihadisme se met doucement à bouillir, mais les effectifs judiciaires diminuent. Marc Trévidic raconte l’aveuglement : « Combien de fois j’ai entendu : “Il n’y a pas eu d’attentat sur notre sol depuis le 3 décembre 1996 [à la station de RER Port-Royal, à Paris]” ? » Malgré les départs plus nombreux, le nombre croissant de Français tués à l’étranger et les signes clairs que le pays est dans le collimateur en raison de sa présence en Afghanistan ou du débat sur le voile, « on continue à penser qu’on est invulnérables ».

« On a déjà perdu »

« Et puis il y a Mohammed Merah. » Sept morts à Toulouse et à Montauban, en mars 2012. L’élection présidentielle approche, on met la poussière sous le tapis : Bernard Squarcini, patron du renseignement, évoque un « loup solitaire », diffusant l’idée que la sécurité reste garantie. Marc Trévidic sait que non. « Sur les écoutes, j’entendais les réactions à ce qu’avait fait Merah. Je ne pensais pas qu’un être humain puisse se réjouir d’un tir dans la tête d’une petite fille. » Il soupire. « Là, je me suis dit : ça y est, on est sur une autre planète. » Il se rappelle les mots que lui glisse un collègue : « On a déjà perdu. »

Il vous reste 49.11% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Leave a Reply

Discover more from Ultimatepocket

Subscribe now to keep reading and get access to the full archive.

Continue reading