Au moins huit ans de prison requis contre l’ex-père Preynat – Le Monde

Bernard Preynat à son procès, le 13 janvier.

Bernard Preynat à son procès, le 13 janvier. PHILIPPE DESMAZES / AFP

La procureure de la République Dominique Sauves a requis, vendredi 17 janvier, une peine d’emprisonnement « qui ne soit pas inférieure à huit années » à l’encontre de l’ex-prêtre Bernard Preynat, jugé pour de multiples agressions sexuelles commises sur de jeunes garçons âgés de 7 à 15 ans à l’époque des faits. Lors de son procès, ses victimes ont fait le récit, glaçant et poignant, des attouchements, baisers sur la bouche et masturbations que le prêtre leur imposait.

Ces agressions sexuelles ont eu lieu entre 1971 et 1991 dans la paroisse de Sainte-Foy-lès-Lyon, près de Lyon et lors de camps à l’étranger, au sein d’un groupe de scouts indépendant dont le prévenu était le vicaire-aumônier. Le religieux, très dynamique et charismatique, faisait alors l’admiration des parents du diocèse qui lui confiaient leurs enfants. Le nombre de ses victimes potentielles donne le vertige – jusqu’à « quatre ou cinq enfants » par semaine durant les camps d’été.

Ce n’est qu’en 2015 que plusieurs anciens scouts ont brisé l’omerta de l’Eglise en portant plainte contre Preynat, permettant la tenue de ce procès des dizaines d’années après les faits. Ce dossier « stupéfiant », « grave », « effrayant », « mérite une réponse pénale ferme qui ne peut s’arrêter au bénéfice de l’âge », a lancé Dominique Sauves, au dernier jour du procès de l’ex-curé.

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« Pédophile en série »

Bernard Preynat, qui avait déjà été « réduit à l’état laïc » (déchu de sa qualité de prêtre) l’été dernier à l’issue de son procès canonique, risque une peine maximum de dix ans de prison ainsi que 150 000 euros d’amende. Au terme de quatre jours d’audience, durant lesquels l’ancien prêtre, âgé de 74 ans, a été confronté à dix de ses anciennes victimes, la représentante du parquet a prononcé un réquisitoire sévère, brossant le portrait « d’une pédophile en série ».

A la barre, cet homme à la carrure toujours imposante a bien demandé « pardon », mais un pardon « mécanique », sans empathie manifeste, qui a d’autant moins convaincu les parties civiles que le prévenu, s’il reconnaît la plupart des abus qu’on lui reproche, a souvent cherché à les minimiser.

Le procès a aussi été l’occasion, pour lui, de mettre en cause la responsabilité de l’Eglise. « On m’a dit : “Tu es un malade” (…) On aurait dû m’aider… On m’a laissé devenir prêtre », a relaté Preynat, alors qu’il avait suivi une thérapie en hôpital psychiatrique dans les années soixante. A l’époque, cet aîné d’une fratrie de sept, élevé dans la religion par un père autoritaire, qui jouait à la messe à 6-7 ans et voulait devenir curé, commet ses premières agressions. Dès l’âge de 16 ans, après en avoir subi lui-même dans son enfance, révélation faite au tribunal.

« Menteur »

La présidente a relevé que les gestes dont il dit avoir souffert sont identiques à ceux qu’on lui reproche et une experte mandatée par la défense y a vu un processus d’identification : « Tous les agresseurs ont été victimes. » Mais cela n’a pas convaincu les parties civiles. « Preynat, c’est un menteur », a accusé vendredi l’avocat Yves Sauvayre, pour qui l’ancien curé jouait ici « son troisième rôle, celui du repentant ».

Cofondateur de l’association de victimes La Parole libérée, François Devaux n’a pas voulu commenter les réquisitions du procureur – « ce n’est pas mon rôle » – mais a jugé devant la presse ce procès « brillant par l’esprit de communion et la dignité qui s’en est dégagée ». Il a permis, selon lui, de montrer « la reconstruction des victimes, même trente ans après ». A ce titre, le procès « a une vertu pour la justice, la société, l’Eglise », a-t-il dit devant la presse.

Le tribunal correctionnel de Lyon a mis en délibéré sa décision : Bernard Preynat sera fixé sur son sort le 16 mars.

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