« Au fond, il n’y a pas eu de procès de destitution de Trump. Il a objectivement de quoi être satisfait » – Le Monde

Le président Donald Trump souriant à de jeunes aspirants marines au stade de football américain Lincoln Financial Field, à Philadelphie, le 14 décembre.

Le président Donald Trump souriant à de jeunes aspirants marines au stade de football américain Lincoln Financial Field, à Philadelphie, le 14 décembre. Danny Wild / USA TODAY Sports

Le verdict du procès en destitution de Donald Trump est attendu, mercredi 5 février, à moins de trois cents jours de l’élection présidentielle américaine. Après seulement quinze jours de débats dans un climat tendu, les sénateurs seront appelés à se prononcer sur les deux chefs d’accusation retenus contre le président états-unien : abus de pouvoir et entrave à la bonne marche du Congrès.

En cause, une conversation téléphonique entre le président des Etats-Unis et son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, le 25 juillet. La Constitution américaine imposant une majorité des deux tiers (67 voix) pour déclarer un président coupable, Donald Trump a toutes les chances d’être acquitté dans un Sénat majoritairement républicain.

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Vendredi, l’opération de la dernière chance pour les démocrates avait déjà échoué. Les sénateurs américains ont refusé à une courte majorité d’entendre des témoins. L’ex-conseiller à la sécurité nationale du président des Etats-Unis John Bolton – auteur d’un livre qui affaiblit considérablement la défense du locataire de la Maison Blanche – ne sera donc pas entendu au Sénat.

L’historien Pap Ndiaye, professeur des universités à l’Institut d’études politiques de Paris, revient sur ce procès en destitution et ses répercussions politiques.

Quels ont été les temps forts de ce procès en destitution ? Que doit-on en retenir ?

La procédure a été soigneusement verrouillée par Mitch McConnell, chef de la majorité républicaine au Sénat, en liaison étroite avec les avocats du président, de manière à écarter toute mauvaise surprise, comme le témoignage a priori compromettant de John Bolton. Contrairement au précédent procès de 1998 [visant Bill Clinton], qui s’était tenu en concertation bipartisane, celui-ci a été très différent puisque piloté par et pour la Maison Blanche. A deux exceptions près [les républicains modérés Mitt Romney et Susan Collins ont voté pour entendre de nouveaux témoins], les sénateurs républicains se sont donc alignés comme des soldats, tout en n’en pensant pas moins pour un certain nombre d’entre eux.

Le rapport coût-bénéfice d’une dissidence d’avec Trump n’était pas assez favorable pour que les plus lucides fassent défection. Par conséquent, la procédure a été expédiée, sans coup de théâtre. Au fond, il n’y a pas eu de procès. Le président américain a objectivement de quoi être satisfait, même si la tache de l’impeachment restera sur son costume présidentiel.

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Le verdict attendu mercredi devrait être favorable à Donald Trump. Quelles sont les conséquences pour les démocrates ?

Sitôt l’acquittement voté, Donald Trump va accentuer sa contre-offensive pour chauffer à blanc ses supporteurs et dénoncer encore et toujours la « chasse aux sorcières » dont il serait la victime de la part de démocrates « gauchistes » et « malades ». Il se servira tactiquement de l’impeachment pour sa campagne de réélection.

Pour les démocrates, qui espéraient qu’un procès impartial puisse ébrécher la majorité républicaine du Sénat et exposer les agissements du président, c’est un coup d’épée dans l’eau. En outre, les sénateurs Bernie Sanders, Elizabeth Warren et Amy Klobuchar, retenus par le procès, ont perdu de précieux jours de campagne. Tout au plus peuvent-ils espérer que l’électorat démocrate et indépendant leur saura gré d’avoir entamé la procédure de l’impeachment, ne serait-ce que pour une question de principes.

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Le président n’a-t-il jamais craint que l’« impeachment » n’aboutisse ou fragilise sa campagne de réélection ? Sort-il au contraire renforcé de ce procès ?

Le procès n’était évidemment pas souhaité par Donald Trump, qui est sur la défensive depuis plusieurs mois, et dont les manières de chef mafieux ont été étalées sur la place publique. Au début de la procédure, au vu de son agitation extrême, il semblait particulièrement inquiet. Mais les sénateurs républicains l’ont vite rassuré.

Maintenant, en politicien rusé et instinctif, il saisit le moment pour intensifier sa campagne électorale. L’effet du procès est donc de polariser un peu plus l’électorat : ses partisans sont persuadés qu’il est victime de la presse et des démocrates ; les autres qu’il a encore une fois manipulé les institutions à son avantage et qu’il est dangereux pour la démocratie. Politiquement, c’est un match nul. Mais la conséquence se devine déjà : la campagne présidentielle qui s’annonce sera la plus violente de l’histoire du pays.

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