Au Brésil, la démission de Sergio Moro ébranle le pouvoir – Le Monde

L’ancien ministre brésilien de la justice Sergio Moro à Brasilia le 24 avril.

L’ancien ministre brésilien de la justice Sergio Moro à Brasilia le 24 avril. UESLEI MARCELINO / REUTERS

Une pandémie mondiale, doublée d’un crash économique : tout cela n’était pas suffisant pour Jair Bolsonaro. Depuis ce vendredi 24 avril, avec la démission brutale du très populaire ministre de la justice Sergio Moro, le Brésil est également plongé dans une grave crise politique, aux conséquences potentiellement explosives.

Tout a commencé le jeudi 23 avril. Dans l’après-midi, le président annonce son intention de remplacer le directeur de la toute puissante Police fédérale (PF), équivalent du FBI américain, subordonné au ministère de la justice. Problème : Mauricio Valeixo, chargé du poste, est un proche parmi les proches de Sergio Moro. Tous deux issus du Parana (sud du pays), ils menèrent ensemble de front l’opération anticorruption « Lava Jato », l’un comme magistrat et l’autre comme chef de la police locale.

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La nomination du directeur de la PF est une prérogative présidentielle. Qu’importe : Sergio Moro est le ministre le plus populaire du gouvernement et il n’entend pas se la laisser dicter. A la surprise générale, il pose sa démission mais sans parvenir à faire plier Jair Bolsonaro, qui campe sur sa décision. Toute la nuit, députés et généraux tenteront de raccommoder les deux hommes, sans succès. Vendredi matin, le Journal officiel publie le renvoi de Mauricio Valeixo. A 11 heures pétantes, Sergio Moro annonce son départ.

Face à la presse, déterminé, le désormais ex-ministre de la justice et de la sécurité publique lâche ses coups. Il accuse le président Bolsonaro d’attenter à l’indépendance de la justice en souhaitant nommer à la tête de la PF « un proche qu’il pourrait appeler pour obtenir des informations » sur les enquêtes en cours et en particulier sur celles (nombreuses) visant sa famille. « Il était clair qu’il y aurait une ingérence politique dans la Police fédérale, qui remettrait en cause ma crédibilité personnelle », conclu l’ancien « super juge », soucieux de « protéger [s]a réputation. »

Coup dur porté au gouvernement d’extrême droite

La contre-offensive viendra en fin d’après-midi, brutale. Sergio Moro « se préoccupe d’abord de lui-même et de son ego, plutôt que du Brésil », lance un Jair Bolsonaro outré lors d’un discours de 50 minutes entouré des membres de son gouvernement.

Alternant rictus et gorge nouée, ce dernier a livré un discours pour le moins confus, évoquant tour à tour la situation politique du moment, mais aussi les aventures amoureuses de son dernier fils Jair Renan ou l’état de la piscine du palais présidentiel. Balayant les accusations de son ex-ministre, le président est longuement revenu sur leur relation, à la manière d’un amoureux déçu. « Je lui ai toujours ouvert mon cœur mais je doute qu’il m’ait déjà ouvert le sien », a fait mine de s’attrister le chef de l’Etat : « Je n’ai pas pleuré, mais j’étais très triste. »

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