Au Brésil, fête nationale et manifestations à haut risque – Le Monde

Des partisans de Jair Bolsonaro, devant le palais présidentiel du Planalto, à Brasilia, le 6 septembre 2021, à la veille des manifestations prévues lors la fête nationale du pays.

La tournure que prendra la fête de l’indépendance cette année au Brésil est totalement imprévisible. Le président, Jair Bolsonaro, que la dégringolade dans les sondages pousse à remobiliser sa base, a promis que des foules « gigantesques » viendraient le soutenir, à l’occasion de la fête nationale, mardi 7 septembre.

Mais ses opposants descendront aussi dans la rue pour crier « Fora Bolsonaro ! » (« Dehors Bolsonaro ! »), inquiets des menaces que fait peser sur la démocratie le président d’extrême droite, qui a ouvert une grave crise institutionnelle en déclarant la guerre à la Cour suprême.

D’importants dispositifs de sécurité sont en place dans les grandes villes, en priorité à Brasilia, età Sao Paulo, afin d’éviter tout débordement. Cortèges de bolsonaristes et d’anti-Bolsonaro ne devraient pas se croiser. En théorie.

Mais dès la nuit de lundi à mardi, des centaines de sympathisants du chef de l’Etat d’extrême droite, à bord de camions et d’autres véhicules, ont « brisé les barrières de contention » et ont pénétré dans l’avenue qui mène au Congrès et à la Cour suprême (ou STF, pour Supremo Tribunal Federal), qui était fermée à la circulation par mesure de sécurité, a fait savoir la police de la capitale.

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Des centaines d’autocars vers Sao Paulo

Jair Bolsonaro, le président du Brésil, le 6 septembre.

C’est à Brasilia et Sao Paulo que l’ancien parachutiste a appelé ses partisans à se mobiliser en masse et à donner de la voix. Les réseaux sociaux bolsonaristes ont battu le rappel des troupes. Des centaines d’autocars de sympathisants de Bolsonaro doivent converger vers Sao Paulo.

Le matin, une brève cérémonie est prévue quand le drapeau brésilien sera hissé au palais d’Alvorada, la résidence du chef de l’Etat. Il devrait ensuite se rendre auprès des manifestants réunis sur l’emblématique esplanade des Ministères de Brasilia.

Au bout de cette esplanade, la place des Trois-Pouvoirs, où se trouvent le Parlement et la Cour suprême, sera totalement bouclée, pour empêcher des actes de vandalisme inspirés de l’invasion du Capitole aux Etats-Unis, en janvier.

Dans des vidéos publiées sur les réseaux sociaux et reprises par des médias locaux, on peut cependant voir une petite caravane de véhicules arrivant sur l’esplanade des Ministères, applaudie par des manifestants à pied qui agitent des drapeaux du Brésil : « On vient d’entrer ! La police n’a pas pu refréner le peuple ! Et demain nous allons envahir le STF ! », crie l’un d’eux.

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Un « ultimatum » pour la Cour suprême

C’est l’après-midi à Sao Paulo, plus grande métropole du Brésil, que Jair Bolsonaro espère réunir le plus grand nombre de sympathisants : il a annoncé compter sur « deux millions de personnes » sur l’avenue Paulista, où il devrait prononcer son discours le plus enflammé. Le principal cortège anti-Bolsonaro doit, lui, partir à trois kilomètres de là, au Vale do Anhangabau, dans le centre-ville.

Vendredi, le président d’extrême droite n’avait pas hésité à dire que cette journée de mobilisation constituerait un « ultimatum » pour la Cour suprême. Samedi, il est allé encore plus loin, évoquant la possibilité d’une « rupture » institutionnelle.

Lundi, plus de 150 intellectuels et personnalités politiques de 26 pays, dont l’ex-premier ministre espagnol José Luis Zapatero, le philosophe américain Noam Chomsky ou Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise, ont dénoncé dans une lettre ouverte une « menace imminente sur la démocratie brésilienne ». Au Brésil, les spécialistes en sécurité craignent notamment la présence de policiers militaires armés lors des manifestations.

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Des policiers dans la rue sur leur jour de congés

D’après un sondage publié dimanche par le quotidien O Globo, 30 % de ces policiers ont l’intention de descendre dans la rue mardi, même si le règlement leur interdit de prendre part à des manifestations politiques, y compris lors de leurs jours de congés.

La semaine dernière, Jair Bolsonaro a vivement critiqué les juges et les gouverneurs d’Etat qui envisagent de punir les policiers présents pour le soutenir lors des cortèges du 7-Septembre. « C’est un crime [d’interdire les manifestations de policiers], digne d’une dictature. Ils veulent que le mouvement soit moins important, alors qu’un policier en civil, en congé, peut justement aider à mener à bien la sécurité de l’événement », a-t-il lancé.

Mal en point dans les sondages, où il est largement distancé par l’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva dans les intentions de vote pour l’élection de 2022, l’ex-capitaine de l’armée joue son va-tout mardi. « Il sait que le succès des manifestations pourrait lui donner du répit », estime Geraldo Monteiro, politologue à l’université de l’Etat de Rio.

Jair Bolsonaro est par ailleurs visé par plusieurs enquêtes de la Cour suprême, notamment pour diffusion de fausses informations. Au Sénat, une commission d’enquête passe au crible depuis plusieurs mois sa gestion de la pandémie, jugée chaotique par les spécialistes, dans un pays où plus de 580 000 personnes sont mortes du Covid-19.

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Le Monde avec AFP

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