Attentats de janvier 2015 : Les récits glaçants des survivants de Charlie Hebdo – 20 Minutes

la dessinatrice Corinne Rey, alias Coco, à Paris le 8 septembre 2020 devant la Cour d’assises spéciale. — AFP

Les mots tentent de décrire l’horreur et l’impuissance face au massacre. Au procès des attentats de janvier 2015, des survivants de la tuerie de Charlie Hebdo ont replongé mardi devant la Cour d’assises spéciale dans le carnage auquel ils ont assisté.

« On veut Charlie, on veut Charb »

Les mains jointes sur le pupitre, la dessinatrice Corinne Rey, alias Coco, cherche ses mots en agitant les doigts, la gorge nouée par l’émotion. « C’était l’effroi en moi. C’était la détresse, je n’arrivais plus à réfléchir », explique la caricaturiste, en racontant s’être « longtemps sentie coupable ».

C’est elle qui avait composé le code de la porte d’entrée, sous la menace d’une kalachnikov, qui a permis aux frères Kouachi de pénétrer au sein de la rédaction et d’y commettre leur carnage. « Ils m’ont dit : “on veut Charlie, on veut Charb”. J’étais dévastée, comme dépossédée de moi, je n’arrivais plus à rien », raconte la dessinatrice. A peine entrés dans les bureaux, les terroristes tirent sur Simon Fieschi, webmaster de l’hebdomadaire. L’aîné, Saïd, monte la garde dans l’entrée, quand le cadet, Chérif, se rue dans la salle de réunion. Coco, elle, court se cacher sous un bureau.

« Des coups secs, des bruits sourds »

Depuis la salle de rédaction, Sigolène Vinson, chroniqueuse judiciaire pour l’hebdomadaire, entend deux coups de feu. « J’ai croisé le regard de Charb : je pense que Charb avait compris », confie-t-elle. Chérif Kouachi entre alors dans la salle et ouvre le feu sur les personnes présentes. « Ce n’était pas des rafales, c’était des coups secs, des bruits sourds », précise la journaliste, qui a alors « rampé » pour se réfugier près d’un muret.

« Un silence s’est fait, un silence de plomb comme je n’en ai jamais entendu », raconte Sigolène Vinson, qui a alors entendu des bruits de pas : « j’ai compris que le tueur m’avait vu et qu’il me suivait. J’ai pensé c’est mon tour ». Mais son tour ne vient pas : Chérif Kouachi se penche vers elle et lui dit qu’il l’épargne « parce qu’il ne tue pas les femmes », explique-t-elle avant de s’interrompre quelques instants, prise de sanglots.

Un lourd silence

Lui aussi dans la salle, le journaliste d’investigation Laurent Léger ne doit son salut qu’à un « réflexe de survie », qui l’a fait se jeter sous une table. Au total, dix personnes sont mortes sous les balles des terroristes au sein de la rédaction. Un « massacre » qui hante encore les souvenirs des survivants. « Il y avait des éclats d’os qui brillaient partout, c’était des paillettes. Et de la matière que j’ai identifiée comme de la cervelle… Quelques secondes avant c’était de l’intelligence, c’était de l’humanisme, c’était de l’humour », lâche Sigolène Vinson. Sur les bancs de la salle d’audience comme dans les box où se trouvent une partie des 14 accusés, un lourd silence s’abat.

« J’ai enjambé les corps. J’ai pris mon téléphone, appelé les pompiers et j’ai dit “ils sont tous morts” », poursuit Sigolène Vinson, son masque imbibé de larmes. « Un doigt s’est levé au fond de la salle : “non, moi je ne suis pas mort”. C’était Riss », désormais directeur de la publication du journal. « C’est le talent qu’on a tué ce jour-là, c’étaient des modèles pour moi », juge Coco en rendant hommage aux disparus. Les témoignages des survivants se poursuivent mercredi matin avec celui de Riss.

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