Attaque terroriste à Paris : Youssef, de «suspect» à héros – Le Parisien

C’était un héros, on l’a pris pour un terroriste. Dans un entretien accordé au Monde, un homme prénommé Youssef raconte la désagréable mésaventure qu’il a vécue vendredi après-midi. Ce ressortissant algérien d’une trentaine d’années a été pris, à tort, pour l’un des suspects de l’attaque à l’arme blanche qui a fait deux blessés rue Nicolas-Appert (Paris, XIe) devant les anciens locaux de Charlie Hebdo.

Placé en garde à vue après avoir été repéré sur les caméras de vidéosurveillance en train de discuter avec le principal suspect de cette agression, Youssef essayait en réalité de le maîtriser. Remis en liberté dans la nuit une fois la méprise levée, il est amer.

«Il possède tous les critères pour être naturalisé»

« Je voulais être un héros et je me suis retrouvé derrière les barreaux », indique-t-il à nos confrères. Depuis la publication de son témoignage, plusieurs personnalités et organisations sur les réseaux sociaux s’élèvent pour réclamer la naturalisation de cet homme qui bénéficie actuellement d’un titre de séjour de 10 ans.

C’est notamment le cas de SOS Racisme. « Il possède tous les critères pour être naturalisé mais il serait légitime que la procédure soit accélérée au regard de son geste héroïque », nous indique son président, Dominique Sopo, qui réclame aussi l’octroi de la Légion d’honneur. « Cela montrerait que, quand bien même Youssef aurait été victime d’une brusquerie excessive, la République française sait aussi reconnaître les héros sur son territoire. Dans une période de tension, ce beau geste de justice et de cohésion serait normal et bienvenu », développe l’associatif.

A nos confrères, Youssef raconte qu’il circulait en voiture lorsqu’il entend les cris d’une femme. Il s’agit de la première victime de l’assaut, une employée de la société Premières Lignes âgée de 28 ans. Il entend ensuite la seconde victime, un de ses collègues de 32 ans. « A ce moment-là, je vois un mec suspect qui court en direction du métro Richard-Lenoir, je suis parti directement pour le suivre », relate-t-il.

Youssef s’engouffre donc dans le métro, à la poursuite de cet agresseur qu’il a vu se débarrasser de son arme, un hachoir. Une fois à ses côtés sur le quai, il s’adresse à lui. « J’arrive et je lui demande ce qu’il a fait. Il m’a sorti une lame de cutter. Il m’a dit quelque chose, mais je n’ai rien compris. Je crois qu’il ne parlait pas le français. Il était étonnamment calme ». L’auteur présumé de l’agression, un Pakistanais arrivé mineur en France en 2018 prénommé Hassan Ali, sera interpellé quelques minutes plus tard place de la Bastille.

Actuellement toujours en garde à vue, il a reconnu les faits et indiqué qu’il voulait s’en prendre à « Charlie Hebdo » en raison de la republication par l’hebdomadaire des caricatures de Mahomet à l’occasion de l’ouverture du procès des attentats de janvier 2015 à Paris. Dans une vidéo, le suspect annonce son passage à l’acte mais ne fait allégeance à aucune organisation terroriste.

«Vous ne m’avez pas du tout chopé, c’est moi qui suis venu pour témoigner !»

En ce qui le concerne, alors qu’il quitte les lieux pour récupérer sa pièce d’identité afin de témoigner auprès des forces de l’ordre, Youssef fait demi-tour, prévenu par son frère que sa photo circule. Il prend attache avec un policier. « Il a appelé son chef, ils avaient ma photo. Ils sont venus autour de moi, ils étaient une dizaine. Ils m’ont emmené dans le métro. […] Puis ils m’ont mis les menottes. J’en entends un qui dit en chuchotant On l’a chopé. Je lui réponds : Vous ne m’avez pas du tout chopé, c’est moi qui suis venu pour témoigner ! ». Malgré ses explications, le jeune homme se voit notifier son placement en garde à vue et se retrouve menotté et conduit dans les locaux de la PJ.

Pendant ce temps-là, la nouvelle de l’interpellation d’un second suspect se répand ainsi que des informations parcellaires sur son identité. Youssef sera finalement relâché vers minuit. Toujours auprès du Monde, son avocate, Me Lucie Simon, déplore que son client ait été placé en garde à vue. « Il aurait parfaitement pu être entendu librement, comme simple témoin », insiste-t-elle.

Pour l’heure, l’enquête se poursuit. Outre le principal suspect, huit personnes de son entourage se trouvaient toujours en garde à vue ce dimanche soir. Même si le jeune Pakistanais a vraisemblablement agi seul, les enquêteurs s’intéressent à son environnement.

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