Attaque à la Préfecture de police: le troublant profil du tueur – Le Figaro
Cet agent affecté à la Direction du renseignement a tué quatre fonctionnaires avant d’être abattu.
Une femme agent administratif et trois hommes fonctionnaires de police tués à l’arme blanche, un cinquième grièvement blessé et leur assaillant, qui était leur collègue, abattu de plusieurs balles dans la cour de la préfecture de police de Paris. Jamais la «PP», l’un des sanctuaires les mieux sécurisés de la capitale, n’avait été le théâtre d’une telle tuerie.
Le drame se noue peu avant 13 heures, au premier étage de la Direction du renseignement, à hauteur de l’escalier C. Alors que certains de ses collègues s’apprêtent à sortir pour une pause déjeuner, Mickaël, agent administratif (catégorie C) en charge de l’informatique au département technique, change radicalement d’attitude pour un motif qui reste obscur. Âgé de 45 ans, né à Fort-de-France et affichant seize ans d’ancienneté dans la «boîte», l’homme, par ailleurs présenté selon les sources comme «sourd et muet» et «porteur d’un léger handicap», est pris d’un «coup de folie». Armé d’un long couteau en céramique, indétectable par les portiques de sécurité, il entame un parcours meurtrier dans un temps record. D’abord, il poignarde tour à tour, à l’étage, trois policiers de la Direction du renseignement qui étaient dans deux bureaux distincts. Parmi eux figurerait sa supérieure hiérarchique directe. Puis, dévalant les escaliers, il agresse deux femmes toujours à l’aide de son arme blanche. La première, affectée comme agent administratif à la Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP), est tuée tandis que sa collègue, issue des ressources humaines, est grièvement blessée à l’épaule. Cette dernière a été transportée en urgence vitale à l’hôpital Percy de Clamart, mais ses jours ne sont plus en danger.
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En sortant dans la vaste cour du 19 août 1944, où sont stationnées en épis plusieurs dizaines de voitures banalisées, Mickaël croise le chemin d’un policier en tenue de la Direction de l’ordre public qui lui ordonne de lâcher son arme. Le tueur a manifestement refusé d’obtempérer: il est abattu d’une balle dans la tête. «J’étais dans l’aile où il y a plutôt des bureaux et l’escalier qui monte chez le préfet. J’ai entendu un tir. J’ai compris que c’était à l’intérieur, a témoigné Emery Siamandi, interprète présent au moment de l’attaque. Quelques instants après, j’ai vu des policières qui pleuraient. Elles étaient en panique. Au départ, j’ai pensé que c’était peut-être un policier qui s’était suicidé. Ça courait partout, ça pleurait partout. Puis j’ai vu le ministre Christophe Castaner, il était pâle. J’ai compris que c’était grave.»
Au dernier stade de l’enquête jeudi après-midi, le mobile de ce raid sanglant n’était pas établi. Si l’hypothèse d’un acte terroriste n’est pas écartée, la piste d’un différend d’ordre privé était évoquée, sans qu’aucune source officielle ne le confirme. Dans une confusion totale, certains parlent d’une «peine de cœur». D’autres affirment que l’attaquant, converti à l’islam il y a dix-huit mois, aurait été convoqué par sa responsable pour un entretien visant à savoir pourquoi il ne saluait plus les femmes.
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Affichant une prudence de mise, le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, s’est refusé à tout commentaire sur la motivation du tueur. «En contact permanent» avec Jean-François Ricard, son homologue du parquet national antiterroriste (PNAT), le haut magistrat a confié à la Brigade criminelle le soin de mener les investigations pour «homicides et tentatives sur personnes dépositaires de l’autorité publique». Les policiers du «36» ont effectué une perquisition au domicile du meurtrier, dans une petite résidence calme de Gonesse (Val-d’Oise). Sa compagne, elle aussi musulmane pratiquante selon le voisinage, a été placée en garde à vue. Le meurtrier «n’a jamais présenté de difficulté comportementale», ni «donné le moindre signe d’alerte», a assuré le ministre de l’Intérieur venu soutenir le personnel très éprouvé de la «PP». Nul doute que cette tragédie va ajouter encore à la sinistrose qui plombe la police.
Choc et émotion dans la classe politique
L‘attaque mortelle au couteau qui a suscité une vive émotion à travers le pays a conduit le chef de l’État à bousculer son agenda. Avant de rejoindre Rodez, dans l’Aveyron, pour participer au débat sur les retraites, Emmanuel Macron s’est en effet rendu jeudi, en début d’après-midi, dans les locaux de la Préfecture de police, théâtre des crimes dont ont été victimes quatre policiers.
Accompagné du premier ministre, Édouard Philippe, du ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, et de Laurent Nuñez, secrétaire d’État, le président de la République a ainsi témoigné son soutien et sa solidarité à l’ensemble des personnels de la préfecture. Le procureur de Paris, Rémy Heitz, et son collègue antiterroriste Jean-François Ricard se sont également déplacés sur place.
Décidant de reporter son déplacement en Turquie et en Grèce, Christophe Castaner s’est rapidement exprimé au sortir des locaux, peu avant 17 heures. Livrant quelques informations sur l’attaque et son auteur – un employé de la Préfecture de police -, l’hôte de Beauvau a aussi évoqué des équipes de police bouleversées. «L’ensemble de nos personnels sont marqués, blessés au cœur par ce qui s’est passé ici, au sein même des locaux de la Préfecture de police», a-t-il déclaré.
Tout au long de l’après-midi, les réactions se sont enchaînées. À l’Assemblée nationale, notamment, un «moment de recueillement» a été observé par les députés qui démarraient une séance de travail. Tous debout pour rendre hommage à ces fonctionnaires décédés. Puis la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, a pris la parole pour, a-t-elle déclaré, «assurer les victimes et leurs familles de toutes nos pensées».
Dans l’après-midi également, la maire de la capitale, Anne Hidalgo, qui s’était rendue dans les locaux endeuillés de la préfecture, a adressé un message de soutien. «En mon nom et celui des Parisiens, mes premières pensées vont aux familles des victimes et à leurs proches», a-t-elle écrit dans un tweet.
D’autres personnalités politiques ont aussi réagi par Twitter. De Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, à Rachida Dati, maire LR du VIIe arrondissement de la capitale, en passant par l’ancien chef de l’État François Hollande, tous ont exprimé tristesse et soutien aux fonctionnaires choqués. Le directeur général de la police nationale, Éric Morvan, a de même exprimé toute sa solidarité auprès du personnel de la préfecture parisienne. «Chaleureuses pensées et indéfectible soutien aux policiers tragiquement éprouvés», a-t-il écrit.