Assassinat du président d’Haïti : quatre «mercenaires» tués – Le Parisien

Qui a assassiné le président Jovenel Moïse ? La réponse n’est pas encore connue mais l’enquête avance (un peu). Quatre « mercenaires » ont été tués et deux autres arrêtés – selon la police – après cet événement qui a choqué Haïti et la communauté internationale et menace de déstabiliser davantage un pays déjà fragile, mais aucune information n’a pour l’instant filtré sur l’identité ou les motivations de ses auteurs.

Le président Moïse a été tué à son domicile par un commando armé vers 1 heure, dans la nuit de mardi à mercredi. D’après le juge chargé de l’affaire, cité par la presse locale, sa dépouille a été retrouvée criblée de 12 balles, et son bureau et sa chambre avaient été saccagés. Son épouse a, elle, été blessée et évacuée vers la Floride pour y être soignée.

Trois policiers « récupérés »

Selon le Premier ministre par intérim Claude Joseph, les assaillants étaient « des étrangers qui parlaient l’anglais et l’espagnol ». D’après l’ambassadeur haïtien aux Etats-Unis, Bocchit Edmond, le commando était composé de mercenaires « professionnels » s’étant fait passer pour des responsables de l’agence américaine antidrogue. La police a indiqué mercredi soir avoir pourchassé les membres présumés du commando aussitôt après l’attaque et être toujours « engagée dans la bataille avec ces assaillants ». « Depuis cette nuit nous nous battons contre eux », a déclaré dans une allocution à la télévision le directeur général de la police nationale d’Haïti, Léon Charles. « Quatre mercenaires ont été tués, deux ont été interceptés sous notre contrôle. Trois policiers qui avaient été pris en otage ont été récupérés », a-t-il précisé. Aucune autre information sur les auteurs de l’assassinat n’a été divulguée.

Plus tôt, le Premier ministre Claude Joseph avait annoncé dans un discours en créole avoir décidé de « déclarer l’état de siège dans tout le pays », octroyant des pouvoirs renforcés à l’exécutif pour quinze jours. Appelant la population au calme, il a promis que « les assassins paieraient pour ce qu’ils ont fait devant la justice ».

L’assassinat menace de déstabiliser encore davantage le pays le plus pauvre des Amériques, déjà confronté à une double crise politique et sécuritaire. Le département d’Etat américain a appelé au maintien des élections législatives et présidentielle en Haïti prévues pour le 26 septembre 2021, avec un second tour le 21 novembre. Le président américain Joe Biden a lui condamné un « acte odieux », et l’Union européenne s’est inquiétée d’une « spirale de violence ». Le Conseil de sécurité de l’ONU, qui se réunira en urgence jeudi, a réclamé que les auteurs de l’assassinat « soient rapidement traduits en justice ». Le Pape François, toujours en convalescence après une opération chirurgicale, a dénoncé jeudi un assassinat « odieux ». « Le Saint-Père exprime sa tristesse et condamne toute forme de violence comme moyen de résolution des crises et des conflits. Il souhaite pour le cher peuple haïtien un avenir de concorde fraternelle, de solidarité et de prospérité », a déclaré le numéro 2 du Vatican, le secrétaire d’Etat Pietro Parolin, au nom du pape.

Un président sans expérience politique

Après l’annonce de la mort violente du président, toutes les activités ont été paralysées à Port-au-Prince et dans les villes de province. Bernadette, 44 ans, a décrit la nouvelle comme « un autre tremblement de terre en Haïti », après celui dévastateur de 2010. Jacquelyn, un quinquagénaire haïtien habitant Carrefour, en banlieue de Port-au-Prince, s’interrogeait sur les motivations des auteurs. « Qui a intérêt à assassiner Jovenel Moïse ? Ça, on ne le saura jamais », a-t-il lâché.

Venu du monde des affaires, Jovenel Moïse, 53 ans, avait été élu président en 2016 sur une promesse de développement de l’économie du pays et avait pris ses fonctions le 7 février 2017. Actif dans plusieurs domaines économiques, dont l’exploitation de bananeraies, il n’avait quasiment aucune expérience en politique au moment de son élection.

Haïti est gangrenée par l’insécurité et notamment les enlèvements contre rançon menés par des gangs jouissant d’une quasi-impunité. Une situation qui valait à Jovenel Moïse, accusé d’inaction face à la crise, d’être confronté à une vive défiance d’une bonne partie de la société civile.

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