Arcep : Orange ne passe pas aux actes et retire sa QPC
Comme il l’avait déjà laissé entendre, l’état-major d’Orange a finalement décidé de retirer sa question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée récemment auprès du Conseil Constitutionnel pour questionner le pouvoir de sanction de l’Arcep. Selon les informations des “Echos”, l’opérateur historique a décidé de clore de manière prématurée cette procédure suite à l’audition, tenue ce jeudi par le collège de l’Arcep, de son président Stéphane Richard.
Celui-ci avait formulé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) auprès du Conseil d’État pour contester le pouvoir de sanction de l’Arcep suite à la mise en demeure prononcée contre lui par le gendarme des télécoms en décembre dernier.
Doit-on pourtant y voir la fin des tensions qui brouillent depuis plusieurs mois les relations entre Orange et le gendarme des télécommunications ? Rien n’est moins sûr, alors que le président de l’opérateur historique Stéphane Richard confiait récemment, déjà dans les colonnes des “Echos”, s’estimer victime d’une véritable campagne de “harcèlement” de la part du gendarme des télécoms.
“Nous sommes mobilisés à fond, pour déployer la fibre et la 4G, comme jamais dans notre histoire. Et en face, le régulateur multiplie les procédures à notre égard. On peut presque parler de harcèlement juridique et médiatique”, indiquait il y a peu le patron d’Orange, pour qui “le rôle d’un régulateur est de réguler. Ce n’est pas un chef de chantier, ni un ministre de l’Industrie”. S’il avait tenu à calmer le jeu, en indiquant qu’il n’irait peut-être pas au bout de cette procédure, le message a le mérite d’être passé, comme le prouve l’émoi qui s’est emparé du secteur suite au dépôt de cette QPC.
Peut-être un mal pour un bien pour l’Arcep
“Ce dépôt de QPC, il aura de toute façon un effet. Même s’il est retiré aujourd’hui, cela donne quoi qu’il en soit à Orange le pouvoir de dire : ‘j’ai l’arme nucléaire, je ne vais pas appuyer sur le bouton mais si jamais demain vous me taquinez et que cela ne me plait pas je vais la ressortir’, car c’est bien ça qu’il s’agit”, évoquait il y a quelques jours le sénateur de l’Ain, par ailleurs président de l’Avicca, Patrick Chaize, traduisant ainsi le sentiment général des acteurs du secteur.
Car quelle que soit la tournure que prendront les évènements, la QPC d’Orange devrait avoir des conséquences sur l’assise juridique de l’Arcep et surtout de son fameux pouvoir de sanction, qui peut aller jusqu’à des amendes correspondant à pas moins de 3 % du chiffre d’affaires d’un opérateur en cas de manquement constaté !
Un mal pour un bien pour le régulateur, dont le pouvoir de sanction est garanti par l’article L33-13 du code des des postes et des communications électroniques qui fait régulièrement l’objet de critique pour sa “fragilité juridique” ? La menace d’Orange pourrait en effet conduire les autorités à le bétonner juridiquement, via notamment l’ajout d’un article supplémentaire.
“J’ai déposé une proposition de loi dans lequel j’ai proposé de réécrire un article L33-14 qui s’appliquerait spécifiquement au fixe parce que la loi L33-13 a été faite pour le mobile et qu’on savait qu’il y a eu des précédents”, expliquait récemment Patrick Chaize, alors qu’une proposition de loi tendant à sécuriser et à encourager les investissements dans les réseaux très haut débit avait déjà fait l’objet d’un examen en février 2018.
Pour rappel, l’article L33-13 du code des des postes et des communications électroniques charge l’Arcep de “contrôler le respect et de sanctionner les manquements constatés” aux engagements souscrits par les opérateurs auprès des autorités, que ce soit dans le cadre de plan de déploiement fixe ou mobile. En cas de manquements constatés, l’Autorité peut prendre différentes sanctions, pouvant aller jusqu’à de lourdes amendes pour les opérateurs récalcitrants.
Il semblerait que cela ne soit toutefois pas suffisant pour empêcher les contestations de la part des opérateurs en cas de mise en demeure de ces derniers par l’Arcep. De quoi amener les autorités à s’emparer du dossier pour renforcer la solidité juridique de ce pouvoir de sanction ? L’avenir nous le dira.