
Après sa candidature dissidente, Cédric Villani n’est pas exclu par La République en marche – Le Monde

L’annonce était attendue, tant Cédric Villani et ses proches avaient préparé le terrain. Mercredi 4 septembre, il a officialisé sa candidature dissidente pour la Mairie de Paris, lors d’une déclaration dans une brasserie du XIVe arrondissement. Le mathématicien, éconduit en juillet par la commission nationale d’investiture de La République en marche au profit de Benjamin Griveaux, avait à plusieurs reprises dénoncé un processus de désignation « vicié ».
M. Villani a d’ailleurs voulu marquer sa différence en assurant : « Je ne serai jamais un homme d’appareil, je ne dépendrai que de vous tant que vous me ferez confiance. » Le mathématicien, tout sourire, a promis mercredi soir une campagne marquée par la « bienveillance et [la] liberté, jamais dans l’attaque, mais toujours pour rassembler ».
Cédric Villani évite l’exclusion
Le mathématicien a réussi la première étape de son coup de force. Le fils rebelle de la macronie a beau avoir confirmé son intention de se présenter en dissident à la Mairie de Paris, il ne sera pas exclu du parti pour autant. La question a été réglée, lundi 2 septembre, à l’Elysée, à l’occasion du déjeuner hebdomadaire entre Emmanuel Macron et son premier ministre, Edouard Philippe, indiquent des proches du dossier. La décision a ensuite été officialisée mercredi par le patron du parti présidentiel, Stanislas Guérini. Pas question de transformer le mathématicien en victime. En dépit de sa fronde, il restera dans le parti. Quitte à créer une périlleuse jurisprudence…
Adoubé en juillet par la commission nationale d’investiture de La République en marche (LRM), Benjamin Griveaux demeure, bien sûr, son candidat officiel. « Il n’y a qu’un seul candidat » de LRM pour les municipales à Paris, « il s’appelle Benjamin Griveaux », a martelé, mercredi, Stanislas Guérini. Ajoutant : « J’ai la conviction qu’il est le seul aujourd’hui qui peut battre Anne Hidalgo », la maire socialiste de la capitale.
L’ancien porte-parole du gouvernement a désormais pour mission officieuse de mener activement campagne et de s’imposer dans les sondages, afin de forcer son concurrent au rassemblement derrière lui. Faute d’y parvenir, il court le risque de se faire « débrancher », au profit de son rival… « La campagne peut avoir un vrai impact », juge un ténor de la majorité. Ces prochaines semaines, les macronistes vont avoir l’œil rivé sur les sondages.
« On a deux mauvaises options »
Exclure, ne pas exclure ? La question a suscité un immense casse-tête au sein de l’exécutif et du parti cet été, et fait naître des tensions. « Le problème, c’est qu’on n’a que deux mauvaises options dans cette histoire, confiait, il y a peu, un responsable du parti. Soit on exclut Villani et il peut se poser en martyr. Soit on ne l’exclut pas et cela divise nos troupes dans la capitale, tout en créant un précédent dangereux, qui peut permettre à certains de justifier leur dissidence ailleurs. »
Les partisans d’une ligne dure, soutenue notamment par des fidèles de Benjamin Griveaux, avaient de solides arguments pour eux. Les statuts du parti sont clairs : d’après l’article 33, tout « candidat à un poste électif pour lequel les instances compétentes du mouvement ont investi un autre candidat » se trouve « lui-même mis en dehors du mouvement ». Donc exclu automatiquement, de facto. En outre, comme tous les participants à la course à l’investiture, Cédric Villani s’était engagé par écrit à soutenir le candidat désigné. Il aurait donc été logique de sanctionner son incartade, comme le président de la commission d’investiture, Alain Richard, puis celui de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, en ont brandi la menace.
Les tenants d’une réaction plus conciliante, eux, ont souligné que le pataquès actuel résultait en bonne partie de la manière dont le mathématicien avait été « humilié » lors des vraies fausses primaires. Et que l’exclusion risquait d’être mal perçue. « Je ne vois pas comment on pourrait l’exclure, on passerait pour des sectaires », constatait, fin août, un responsable macroniste. « Si on l’exclut, cela envoie un message négatif de caporalisation et pourrait obérer les conditions de la victoire, qui suppose un rassemblement à venir », appuyait, mardi, une source au sein de l’exécutif. En outre, comment sanctionner un élu qui se dit totalement loyal au chef de l’Etat et revendique la même démarche que lui en 2016, celle d’un « homme libre », en dehors des partis ?
Ramener Cédric Villani au bercail
C’est cette ligne qui l’a emporté, avec l’espoir affiché que Cédric Villani pourra rentrer, à terme, au bercail, comme une brebis égarée. Mais, pour l’heure, le député de l’Essonne savoure sa liberté. « Avant l’été, j’ai participé à un processus de désignation dont j’ai pu constater l’inadaptation, a-t-il expliqué dans son discours de candidature, au fond d’un café du 14e arrondissement bondé de journalistes et de militants. J’ai pu mesurer les limites du fonctionnement d’appareil politique que nous dénoncions il y a peu. » Puis il a passé l’été à consulter : « Vous m’avez dit : “Vous êtes libre, allez-y !” », a-t-il poursuivi.
A présent, il n’a aucune envie de rendre les armes et compte mener une intense campagne de terrain. Elle commencera vendredi par vingt-quatre heures de rencontres à travers Paris, avec notamment la visite d’un internat et celle d’un cinéma indépendant. Ce n’est que plus tard qu’arriveront les propositions et les « idées fraîcheur » promises par le menu devant lequel Cédric Villani a fait sa déclaration.