Anti-passe sanitaire : « C’est un mouvement sulfureux, difficile à récupérer pour un parti à moins d’un an de la présidentielle » – Le Monde

Manifestation contre l'instauration d'un passe sanitaire, près de la place de la République, à Paris, le 31 Juillet 2021.

Erik Neveu est professeur émérite de sciences politiques à l’université de Rennes et coauteur de Nouvelle sociologie politique de la France, avec Thomas Frinault et Christian Le Bart (Armand Colin, 300 p., 29 euros). Il décrypte pour Le Monde les manifestations contre le passe sanitaire, alors qu’un quatrième samedi de mobilisation doit avoir lieu, ce 7 août.

Comment peut-on expliquer la forte mobilisation des manifestations anti-passe sanitaire, au cœur de l’été ?

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Pour une part des participants, par une exaspération devant la multiplication des contraintes, des incohérences aussi des politiques publiques depuis dix-huit mois, par le sentiment bien fondé de ce que certaines décisions parachutées sans préavis sont inapplicables, quel que soit le jugement que l’on ait sur elles. Pour d’autres, par le sentiment d’être les victimes directes des choix gouvernementaux, comme c’est le cas des restaurateurs ou des acteurs culturels. Pour une autre catégorie de personnes, sans doute plus structurée politiquement, par des convictions anti-vaccins et anti-étatistes.

Y-a-t-il un précédent d’une mobilisation sociale estivale ou est-ce inédit ?

Il y a eu, en 1953, une vague de grèves partie des PTT dans le Sud-Ouest et qui a gagné le pays entier. On peut penser aussi au mouvement de soutien aux sans-papiers qui occupaient l’église Saint-Bernard à Paris du temps du binôme Chirac-Juppé, au milieu des années 1990. Mais il faudrait introduire un autre paramètre : le besoin des rédactions de trouver de quoi remplir l’actualité en plein été. Ce qui a sans doute gonflé la couverture.

Peut-on comparer ces manifestations avec celles du mouvement des « gilets jaunes » ?

Le problème c’est que tous, universitaires et journalistes, allons désormais remplacer « mai 68 » par « gilets jaunes » comme étalon des mobilisations. On peut relever qu’il y a des figures des « gilets jaunes » investies dans le mouvement, que le gilet y figure comme symbole, que ce sont aussi en partie des profils sociologiques proches : niveau d’éducation inférieur à la moyenne, forte présence des indépendants, milieux souvent populaires.

Lire l’article : Qui sont les opposants au passe sanitaire

Comme pour les « gilets jaunes », le mouvement contre le passe sanitaire semble interclassiste. Il rassemble des membres de l’extrême droite mais aussi de la gauche, tout comme des citoyens sans appartenance partisane. Comment le définir politiquement ?

Il me semble que le cortège organisé par Florian Philippot et les Patriotes était assez mince. Comme pour les « gilets jaunes », il y a une logique de « double contrainte ». D’un côté, la majorité des manifestants ne veut pas risquer d’être « récupérée » par défiance ou aversion pour tout le spectre de l’offre politique. Et sauf à imaginer que le mouvement enfle et prenne les formes éruptives des « gilets jaunes » à leur apogée, il se condamne à l’impuissance s’il ne peut se traduire en propositions ou en relais politiques.

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