Amnesty International accuse Idemia de vendre sa technologie de reconnaissance faciale à la Chine

Amnesty International accuse Idemia de vendre sa technologie de reconnaissance faciale à la Chine

Amnesty International prend au sérieux son rôle de vigie dans le secteur du numérique. Après avoir dénoncé les manquements au respect de la vie privée dans certaines applications de contact tracing, l’organisation s’attaque désormais à la surveillance de masse.

Dans un rapport publié ce lundi, l’ONG dénonce les liens commerciaux entre certaines entreprises européennes et Pékin. Dans le lot, la société française Idemia – ex OT-Morpho – est accusée d’avoir vendu ses technologies de reconnaissance faciale à l’Empire du milieu.

La firme, spécialisée dans la biométrie, l’identification et l’authentification, a décroché en 2015 un contrat portant sur la vente d’équipements de reconnaissance faciale au Bureau de la sécurité publique de Shanghai, informe l’ONG, qui exige purement et simplement « l’interdiction de l’utilisation, du développement, de la production, de la vente et de l’exportation des technologies de reconnaissance faciale à des fins d’identification, tant par les organismes d’Etat que par les acteurs du secteur privé ».

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Un marché hors-contrôle

Idemia explique que son produit est un système de reconnaissance faciale post-événement, qui identifie les visages qui apparaissent sur des séquences enregistrées, et non un flux d’identification en direct. La société précise que l’outil est destiné à aider les enquêteurs de police à analyser les affaires criminelles après que l’infraction a eu lieu.

Selon Amnesty, la vente de technologies de surveillance numérique aux services en charge de la sécurité publique en Chine risque « d’exacerber des atteintes aux droits humains généralisées », révèle le rapport. « Le secteur des technologies biométriques de surveillance en Europe échappe à tout contrôle… la partie émergée d’un marché qui se chiffre à plusieurs milliards d’euros et prospère grâce à ses ventes à des responsables de violations des droits humains. Le régime européen de contrôle des exportations actuellement en vigueur ne fonctionne pas et ses brèches doivent être colmatées rapidement », souligne Merel Koning, responsable de la politique sur les technologies et les droits humains d’Amnesty.

Le rapport vise également l’entreprise suédoise Axis Communication, qui conçoit des caméras réseaux, ainsi que la firme néerlandaise Noldus Information Technology, qui commercialise des systèmes de reconnaissance des émotions, tel que le logiciel FaceReader.

Chacune de ces trois entreprises a déjà fait affaire avec Pékin, et pourtant aucune n’a été en mesure d’apporter de « réponse claire quant à la diligence raisonnable qu’elle a exercée avant la conclusion de ces transactions », affirme le rapport. « Dans sa réponse à Amnesty International, Axis Communications a indiqué qu’elle n’avait pas à obtenir de licence d’exportation pour ses caméras destinées à être utilisées dans les programmes chinois de surveillance de masse. C’est bien là tout le problème du régime actuel de contrôle des exportations de l’UE. Les gouvernements européens doivent assumer leurs responsabilités et mettre un frein à ce secteur débridé », ajoute Merel Koning.

Réinvestir le champ réglementaire

Certains produits ont parfois été « directement destinés aux programmes de surveillance de masse non ciblée mis en place par la Chine, posant ainsi le risque d’un usage contre les Ouïghours et d’autres groupes ethniques à majorité musulmane sur le territoire », soutient l’enquête. L’ONG souligne, en revanche, qu’une majorité de pays de l’UE, dont la France, s’opposent à une réglementation plus poussée des exportations dans ce domaine.

« La condamnation par les gouvernements de l’UE de la répression systématique exercée dans le Xinjiang sonne creux s’ils persistent à autoriser les entreprises à vendre les technologies qui risquent justement de rendre possible cette répression. Le régime européen de contrôle des exportations actuellement en vigueur ne fonctionne pas et ses brèches doivent être colmatées rapidement », constate Merel Koning.

Amnesty fait pression pour que le cadre réglementaire de l’UE en matière d’exportation soit corrigé, et que les violations en matière des droits humains y soient prises en compte dans le pays de destination finale.

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