Allongement du congé paternité : trois questions sur la période cruciale des 1 000 premiers jours de l’enfant – franceinfo

La durée du congé de paternité va doubler et passer à 28 jours, a indiqué mardi l’Elysée, permettant à la France, un temps en pointe sur le sujet, de combler une partie de son retard par rapport aux meilleurs élèves européens.

“Le temps est un facteur essentiel pour nouer un lien important entre l’enfant et les parents. Actuellement, ce temps de 14 jours est trop court.” La durée du congé paternité va passer à 28 jours, a indiqué, mardi 22 septembre, l’Elysée, lors d’un briefing organisé à la veille du déplacement d’Emmanuel Macron sur le thème de la petite enfance, dans un centre de Protection maternelle et infantile (PMI), à Longjumeau (Essonne). S’il double la durée du congé de paternité, l’exécutif reste en deçà des conclusions de la commission Cyrulnik sur les 1 000 premiers jours du nouveau-né, installée en septembre 2019 par le chef de l’Etat, qui a recommandé d’allonger à neuf semaines le congé paternité.

Depuis 2019, le gouvernement a en effet décidé de construire une nouvelle politique publique de soutien à la parentalité en se basant sur cette période de l’enfance. Voici trois questions sur ces 1 000 jours si importants. 

Qu’est-ce que la période des 1 000 premiers jours de l’enfant ?

Il s’agit de l’intervalle entre le 4e mois de grossesse, moment où le fœtus commence à interagir avec son environnement, et les 2 ans de l’enfant, lorsqu’il prononce ses premières phrases. Depuis les années 1980, cette période déterminante de la petite enfance est l’objet de plusieurs recherches, ainsi que d’études médicales et scientifiques. “En 2008, la revue spécialisée The Lancet a montré l’importance cruciale de la nutrition maternelle et infantile durant les 1 000 premiers jours de la vie des enfants pour les pays en voie de développement”, rappelle le ministère des Solidarités et de la Santé (PDF). Puis l’Organisation mondiale de la santé en a fait une priorité de ses recommandations.

Cette période “se caractérise par un rythme de croissance sans équivalent à l’échelle d’une vie : le bébé grandit de deux centimètres par mois, la taille de son cerveau est multipliée par cinq et les connexions neuronales s’y établissent à la fréquence de 200 000 par minute”, peut-on lire sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé, qui consacre une rubrique entière à ce sujet.

Pourquoi le gouvernement s’est-il focalisé sur cette période ?

C’est l’un des chantiers prioritaires d’Adrien Taquet, secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et des Familles. Dès sa nomination, il a annoncé sa volonté de proposer un nouveau Pacte pour l’enfance. La période des 1 000 premiers jours a retenu son attention lors des Assises de la protection de l’enfance les 4 et 5 juillet 2019.

Un peu plus de deux mois plus tard, Emmanuel Macron a installé à l’Elysée une commission, composée de 18 scientifiques, dont le pédopsychiatre Boris Cyrulnik, qui la préside, pour réfléchir à l’amélioration de l’accompagnement des 1 000 premiers jours de l’enfant. “On peut décider de tout ce qu’on va faire pour que ces 1 000 jours se passent bien (…) et pour éviter des situations irréversibles”, avait déclaré à l’époque le chef de l’Etat, disant devoir “beaucoup” à Boris Cyrulnik et ses écrits. Le pédopsychiatre a en effet mené de nombreux travaux sur la petite enfance.

Emmanuel Macron avait estimé, le 19 septembre 2019, que ce travail conduirait l’État à “investir, au sens premier du terme, et [à] revisiter des choix d’organisation pour investir sur nos enfants”. “90% se jouent avant 3 ans, et plus on est dans un milieu difficile, plus on se retrouve à organiser difficilement ces 1 000 premiers jours”, avait-il déclaré. Selon le gouvernement, un parent sur deux déclare ne pas s’en sortir et 25% de ceux qui assurent eux-mêmes la garde de leur enfant ne le font pas “par choix”. En s’appuyant sur ces chiffres, le chef de l’Etat avait clairement annoncé vouloir “répondre à l’appel de parents parfois démunis, terrorisés”.

Comment le rapport sur les 1 000 premiers jours a-t-il influencé la décision de l’exécutif ?

La commission présidée par Boris Cyrulnik a finalement rendu son rapport (PDF) sur les 1 000 premiers jours de l’enfant le 8 septembre, un an après son installation. Développer un accompagnement à la parentalité, repenser les congés de naissance, mieux soigner la dépression post-partum, construire des espaces plus propices au développement de l’enfant, former les professionnels sur les 1 000 premiers jours de l’enfant… En 130 pages, les 18 experts formulent de nombreuses propositions. Pour l’instant, l’exécutif a choisi de se saisir d’un sujet : le congé paternité, recommandation centrale du rapport Cyrulnik.

Ainsi, convaincus qu’“il faut du temps, de la disponibilité et de la proximité physique et émotionnelle de la part des parents pour qu’ils construisent avec leur bébé une relation harmonieuse”, les auteurs du rapport recommandent d’allonger la durée du congé paternité. “Une partie pourrait être prise après la naissance et l’autre partie à la fin du congé maternel”, suggèrent-ils notamment. Les experts préconisent neuf semaines de congé paternité.

“L’urgence, c’était le congé de paternité, parce que, aujourd’hui, il est de 14 jours. C’est insuffisant tant au regard des attentes scientifiques que des attentes de la société”, justifie l’Elysée auprès du service politique de France Télévisions. “On voit que, pour que ce lien d’attachement se construise, il faut allonger, il faut proposer plus de temps au deuxième parent auprès de son enfant.” Pour autant, l’exécutif ne suit pas les conclusions de la commission. “Doubler, c’est déjà un changement assez massif en matière d’évolution culturelle et pour la place des pères à la naissance. (…) Cela nous semble un bon équilibre entre la proposition qui est faite et la transformation de ce qui est en vigueur aujourd’hui”, assume-t-on à l’Elysée.

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