AirPods : comment des copies imitent les vrais
30 € contre 229 €, qui dit mieux pour des AirPods 2 avec boitier de charge sans fil ? Des AirPods d’Apple, ces écouteurs vendus à vil prix sur Aliexpress reprennent tous les codes et plusieurs des caractéristiques.
Avec eux vous pourrez vous fondre dans la troupe toujours plus grande des utilisateurs d’AirPods, sans crainte d’être démasqué parce que vos bâtonnets sont décidément bien gros, vos écouteurs un peu trop carrés ou parce qu’une diode bleue clignote bien fort.
Réussis de loin…
Ces “AirPods” sont évidemment des contrefaçons, réussies sur la forme mais grossières sur le fond. Si elles ne résisteront pas à l’observation d’un habitué, il faut reconnaître l’effort qui a été consenti pour coller à l’orignal, jusqu’au jumelage à l’iPhone qui déclenche l’assistant de connexion des vrais AirPods.
Ces “i800 TWS” (pour “True Wireless Stereo”) imitent presque parfaitement les vrais, le boitier comme les écouteurs. Si ce n’était le gros autocollant descriptif et un carton de moindre qualité que celui d’Apple, même l’emballage pourrait faire illusion (un câble Lightning copie de ceux d’Apple est aussi inclus).
Le boîtier de rangement est pareil au gramme près tandis que les écouteurs sonnent plus creux, et pour cause ils sont plus légers : 6,8 grammes contre 7,9. Ça paraît rien mais ça se sent. Les économies ont probablement porté aussi sur la qualité du plastique qui se fendille sur les bâtons et sur la surface bombée de l’un des écouteurs.
Dans le registre des petits détails il y a ces sérigraphies L et R au pied des écouteurs qu’Apple ne juge pas utile de mettre sur les siens. Même la couleur des grilles des écouteurs (plus claire) montre que, là-aussi, il y a eu matière à s’éloigner de l’original. Mais reconnaissons qu’en dépit de ces défauts de fabrication c’est plutôt bien fait.
La supercherie est plus évidente dès qu’on manipule le boîtier. Il fait parfaitement illusion de prime abord, jusqu’à ce qu’une cascade de détails trahissent ses véritables origines.
La diode verte en façade est vive au point qu’elle éclaire l’intérieur des logements, là où celle d’Apple est discrète. C’est surtout avec la charnière et le guidage des écouteurs que ça tangue. Jonathan Ive avait raconté à quel point ces petites choses et le plaisir d’utilisation qui en découle sont compliquées à mettre au point. La charnière de ces i800 TWS brinqueballe comme la porte d’une voiture sans permis.
Les aimants disposés dans le boitier des vrais AirPods aspirent les écouteurs pour les forcer à se ranger correctement et rester bien en place. Ça n’a rien de sensationnel dit comme ça mais c’est extrêmement bien fait et plus encore lorsqu’on compare avec l’autre boitier. Ses aimants, placés différemment (certains plus haut) font presque la même chose, mais en moins bien.
Ouvrez le capuchon et retournez le boitier pour saisir les écouteurs : avec le vrai le capuchon reste ouvert, alors que le faux s’obstine à vouloir se refermer tout seul, vous obligeant à le bloquer d’un doigt.
C’est toujours la même rengaine en somme, on est presque au niveau de l’original, mais tout est dans ce presque. Apple ne se lasse jamais de dire qu’elle a un souci maladif du détail. On trouvera toujours des exemples où cette philosophie peut être prise en défaut, mais il faut reconnaitre que les AirPods sont une bonne illustration de cette quête permanente.
A priori, rien ne semble compliqué ou particulièrement difficile à copier dans le design de ces écouteurs et de leur boitier. Ce n’est que quelques grammes de plastique moulé, une pincée de pièces métalliques et un peu d’assemblage. Les 10 ou 20 % qui manquent à ces faux AirPods pour en faire des copies parfaites pèsent finalement bien plus lourd dans la balance. Ce qui parait facile ne l’est pas tant que ça et cette qualité doit être maintenue à raison de millions d’unités.
La volonté d’émulation ne s’arrête pas là. Comme les vrais AirPods, les faux peuvent se recharger en posant leur boitier sur une base Qi. Les informations de charge apparaissent dans la carte d’iOS et dans le widget Batterie.
Ensuite, ces écouteurs embarquent ce qui semble être une copie, certes imparfaite mais pas tout à fait mauvaise, de la puce d’Apple. Lorsque vous approchez les i800 TWS de votre iPhone, l’assistant de connexion s’affiche sans rechigner et joue ses animations. Il les désigne comme des “AirPods” et montre les différents niveaux de batteries.
La première connexion est rigoureusement identique, les faux AirPods se font passer pour des vrais à l’entrée d’iOS (testé avec un iPhone 11 Pro et iOS 13). Voilà vos écouteurs Bluetooth à 30 € enregistrés comme des AirPods, sans vous casser la tête. La fête s’arrête là cependant, car rapidement les limites de ce plagiat se révèlent.
D’abord l’enregistrement de ces écouteurs n’est pas synchronisé avec iCloud, ils n’apparaissent pas dans le menu Bluetooth de votre Mac. Il faut les y ajouter manuellement, ce qui a pour effet de supprimer le précédent jumelage avec l’iPhone. Sur Mac toujours, l’écoute de la musique ne marchait plus qu’avec un seul écouteur, en outre le fonctionnement des taps devenait aléatoire (constaté parfois aussi avec l’iPhone).
Ensuite, sur iOS, il n’y a aucun réglage proposé pour définir des actions en fonction des taps sur les écouteurs. La vue d’information est basique, on ne peut que choisir de les oublier temporairement ou de les déconnecter.
Vous disposez tout de même d’un contrôle complet sur la lecture, avec des actions imposées mais qui ont le mérite d’être logiques : 2 taps à gauche pour Siri ou 3 taps pour revenir au début ou au morceau précédent ; 2 taps à droite pour la pause/lecture et 3 taps pour le morceau suivant.
Retirer un écouteur des oreilles le mettra en pause, comme on s’y attend. Ça marche le plus souvent avec parfois tout de même des ratés, tout comme la bonne interception des taps. Et lorsque vous montez le volume, la jauge n’affiche pas l’icône aux deux écouteurs, juste le logo générique du Bluetooth.
Enfin vient la question de leur qualité sonore. Elle est à l’image de tout le reste. On est loin du médiocre — c’est même mieux que ce que le prix de ces écouteurs pourrait laisser penser — mais on n’est pas au niveau des AirPods. Encore heureux pour Apple et nos 179 voire 229 € !
Vous pouvez écouter votre musique, regarder vos séries sans vous détruire les oreilles et sans avoir l’envie d’arracher ces écouteurs au bout de quelques minutes seulement… tout comme vous pouvez vous désaltérer d’une bière sans alcool. Évidemment, une fois que l’on reprend ses AirPods on retrouve des basses et un son qui enveloppe davantage, un peu plus d’ivresse…
Loin d’être réussis
Les défauts physiques constatés d’emblée sur les deux branches donnent une indication sur la manière dont peuvent vieillir ces écouteurs. Il faut reconnaître néanmoins aux fabricants de ces i800 TWS un certain talent. Un œil non exercé ou un utilisateur peu habitué aux produits d’Apple pourra se faire berner, quand bien même le prix demandé, rien que lui, devrait faire retentir plusieurs dizaines de sirènes.
C’est également la démonstration que le prix qu’en réclame Apple, devenu une norme pour ce genre d’écouteurs (lire Test des écouteurs Sony WF-1000XM3 et Libratone Track Air+), ne s’explique pas qu’en termes comptables. On ne s’inquiète pas de la rentabilité des AirPods, qui doit aller en s’améliorant au fil des mois et de volumes de ventes toujours croissants…
Ces faux clones démontrent qu’un bon produit, réussi, est la somme de petites choses : matériel, matériaux, logiciel, assemblage, finition, intégration système… Ce sont elles qui une fois mises bout à bout créent une bonne et solide expérience utilisateur. Pour 30 € seulement d’aucuns diront qu’on en a pour son argent — et on n’a même pas parlé du peu de cas qui est fait de la propriété intellectuelle d’Apple ! — mais on n’a certainement pas des AirPods.