Agression d’Yvan Colonna : L’épineux débat des transferts de détenus vers la Corse relancé – 20 Minutes

Ils étaient, dimanche après-midi, plusieurs milliers – 4.200 selon la préfecture, 15.000 selon les organisateurs – à braver la pluie à Corte, en Haute-Corse, pour soutenir Yvan Colonna. L’indépendantiste corse, condamné à perpétuité pour l’assassinat du préfet Erignac, est toujours entre la vie et la mort ce lundi après avoir été violemment agressé par un de ses codétenus, Franck Elong Abé, condamné pour des faits de terrorisme en Afghanistan. Près de huit minutes d’une violence inouïe, « un acharnement systématique », selon les mots employés par le procureur de la République antiterroriste, Jean-François Ricard, qui ne « laisse peu de doute sur les intentions homicides » du suspect. Ce dernier a reconnu les faits en garde à vue, indiquant avoir agi ainsi après des propos qu’il estimait blasphématoires.

Mais derrière cette agression et les conditions de celle-ci, au sein même de la prison d’Arles, c’est l’épineux dossier du transfert des détenus corses sur l’île qui ressurgit. « On peut légitimement penser que s’il avait été rapproché, Yvan Colonna n’aurait pas été livré aux risques des violences extrémistes dont il est a été la victime », déclarait l’un de ses avocats, Me Patrice Spinosi, au lendemain de la tentative d’assassinat. Voilà en effet près de dix ans que ses conseils demandent qu’il purge la fin de sa peine sur son île natale. Une requête refusée année après année. En cause : son statut de « DPS » – détenu particulièrement surveillé – qui concerne environ 350 détenus en France, la plupart émanant du milieu du grand banditisme ou du terrorisme, considérés comme présentant des risques d’évasion accrus ou en raison de leur dangerosité.

Un débat qui transcende les clivages politiques

Or, si la prison de Borgo, non loin de Bastia, est habilitée à accueillir des longues peines, elle n’est pas équipée pour surveiller ce type de détention. « Cette question du rapprochement des détenus transcendait déjà les clivages politiques sur l’île avant cette affaire mais se pose avec encore plus de vigueur désormais », note le politiste Xavier Crettiez, fin connaisseur du nationalisme corse, enseignant à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye. Comment, en effet, avancer qu’un détenu exige une vigilance accrue et dans un même temps expliquer qu’il puisse être l’objet d’une tentative d’assassinat pendant près de 10 minutes, loin donc, de la surveillance des gardiens ?

En décembre, des députés et sénateurs insulaires de tous bords signaient une tribune dans Le Monde pour soutenir ce rapprochement, voyant dans ces refus systématiques une décision plus politique que sécuritaire. Car Yvan Colonna n’est pas le seul dans cette situation. Ces demandes de rapprochement ont toujours été refusées à Alain Ferrandi et Pierre Alessandri, également condamnés à perpétuité dans cette affaire. « Un “détenu particulièrement signalé” est, au terme des textes, un détenu qui présente une particulière dangerosité ou, par exemple, pour lequel existent des risques d’évasion. Concernant ces trois hommes, leur détention, très longue, s’est passée sans aucune difficulté ni incident », écrivaient les parlementaires.

Appel du parquet national antiterroriste

Tous deux ont fini de purger leur période de sûreté en 2017. En décembre 2020, alors même que la commission nationale des fichiers DPS, qui reconduit ou non ce statut, se prononçait en faveur d’une levée de cette mesure, le Premier ministre, Jean Castex, s’y est opposé. Fin février, c’est le parquet national antiterroriste qui a mis un frein à cette mesure de rapprochement. Alors qu’Alain Ferrandi s’est vu accorder un régime de détention en semi-liberté sur l’île, le parquet a fait appel. Une situation qu’avait vécu, quelques semaines plus tôt, son ancien complice Pierre Alessandri. L’agression d’Yvan Colonna pourrait-elle faire évoluer la situation ? Le Premier ministre doit se prononcer sous peu sur l’éventuelle levée du statut de « DPS » pour ces deux détenus.

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