Afghanistan : le Qatar négocie avec les talibans pour rouvrir l’aéroport de Kaboul – Le Monde
L’aéroport de Kaboul est d’une importance cruciale pour faire transiter le soutien médical et humanitaire dont le pays a plus que jamais besoin, quelques jours après le départ des dernières troupes américaines et la fin d’une guerre qui a duré vingt ans. Le Qatar a dit, jeudi 2 septembre, travailler avec les talibans pour la réouverture du site. « Nous restons confiants quant à la possibilité de gérer les opérations dès que possible », a déclaré le chef de la diplomatie qatarie, Mohammed Ben Abderrahmane Al Thani, lors d’une conférence de presse à Doha, tout en précisant qu’« aucun accord » n’avait encore été conclu sur cette question.
« Nous en sommes toujours au stade de l’évaluation. Il n’y a pas d’indication claire sur la date à laquelle il sera pleinement opérationnel, mais nous travaillons dur », a ajouté le ministre qatari, dont le pays entretient des liens étroits avec le mouvement islamiste des talibans qui a pris le pouvoir à Kaboul, le 15 août.
Le Qatar, qui a envoyé mercredi un Boeing C-17A Globemaster à Kaboul, est actuellement au cœur des attentions de la communauté internationale pour sa capacité à communiquer avec les nouveaux maîtres de Kaboul. Ce riche pays du Golfe avait, en outre, joué le rôle de médiateur dans le processus de paix entre le gouvernement afghan et les talibans avant la prise du pouvoir par les islamistes.
« Il est très important que les talibans démontrent leur engagement de fournir un passage sûr [pour sortir du pays] et la liberté de mouvement pour le peuple afghan » a-t-il poursuivi, précisant que les discussions incluaient aussi la Turquie, « si elle peut fournir une assistance technique à ce stade ».
En juin, la Turquie s’était portée candidate pour sécuriser l’aéroport de Kaboul et menait à cette fin des négociations avec Washington, mais c’était avant la prise de la ville par les talibans. « Il y a des demandes de coopération avec nous provenant des talibans et de certains pays pour la réouverture [de l’aéroport]. Nous les évaluons toutes », a déclaré Mevlut Cavusoglu, le ministre des affaires étrangères turc, lors d’une conférence de presse à Ankara, jeudi. « Mais le plus important est d’assurer la sécurité de l’aéroport », a-t-il ajouté. Elle « doit être garantie de manière à donner confiance à la communauté internationale ». Le ministre a envisagé de confier cette tâche à des sociétés privées.
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Reprise de vols humanitaires onusiens
Des vols humanitaires onusiens ont repris vers le nord et le sud de l’Afghanistan, a signalé jeudi le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric. Opérés par le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies, ils ont permis « à 160 organisations humanitaires de poursuivre leurs activités vitales dans les provinces afghanes », a-t-il précisé lors de son point-presse quotidien à New York.
Les vols ont relié Islamabad, au Pakistan, à Mazar-i-Sharif (nord) et Kandahar (sud), a ajouté le porte-parole. Trois ont été menés depuis le 29 août.
Entre 2002 et 2021, des vols onusiens ont desservi plus de 20 destinations en Afghanistan et l’objectif est de revenir vers une telle amplitude dès que la sécurité et le financement des opérations seront assurés, a dit le porte-parole.
Le PAM fait en sorte « de mener tous les efforts pour augmenter le rythme des opérations aussi tôt que possible et augmenter les destinations, a déclaré Stéphane Dujarric. En outre, un pont aérien de fret est en train d’être mis en place pour transporter des articles non alimentaires, tels que des fournitures médicales et autres fournitures d’urgence, là où ils sont le plus nécessaires. »
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Attente du premier gouvernement, manifestation de femmes
Les talibans pourraient annoncer après la prière, vendredi, la formation de leur nouveau gouvernement. Dans une interview accordée à la BBC mercredi, le chef adjoint du bureau des talibans au Qatar, Sher Mohammad Abbas Stanekzai, a déclaré que les femmes « pourraient avoir un rôle » dans ce gouvernement, mais qu’il était « peu probable » qu’elles soient nommées ministres ou à des postes à responsabilités.
Une cinquantaine de femmes sont descendues jeudi dans les rues d’Herat, capitale cosmopolite de l’Ouest afghan, pour revendiquer leur droit à travailler et réclamer la participation de femmes au nouvel exécutif. « Des pourparlers sont en cours pour former un gouvernement, mais ils ne parlent pas de la participation des femmes, a regretté Basira Taheri, l’une des organisatrices de la manifestation. Nous voulons que les talibans tiennent des consultations avec nous. Nous continuerons nos manifestations, elles ont commencé à Herat, elles s’étendront bientôt à d’autres provinces. »
Ce genre d’expression publique de mécontentement est une nouveauté pour les talibans, qui réprimaient impitoyablement toute contestation lors de leur régime précédent. Depuis plusieurs semaines, les talibans s’efforcent de présenter un visage plus modéré et plus ouvert, assurant que le droit des femmes serait respecté. Ils ont notamment annoncé qu’elles pourraient étudier à l’université, mais dans des classes non mixtes, et appelé récemment les travailleuses du secteur de la santé à reprendre le travail. Mais, pour l’heure, ces déclarations peinent à convaincre.
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La Chine va maintenir son ambassade en Afghanistan
Un porte-parole des talibans a fait savoir, dans la nuit de jeudi à vendredi, que la Chine avait promis de maintenir ouverte son ambassade en Afghanistan. Abdul Salam Hanafi, un membre du bureau politique du groupe islamiste à Doha, au Qatar, « a eu une conversation avec Wu Jianghao, ministre adjoint des affaires étrangères de la République populaire de Chine », a annoncé sur Twitter ce porte-parole, Suhail Shaheen.
« Le ministre adjoint chinois a assuré qu’ils maintiendraient leur ambassade à Kaboul, ajoutant que nos relations allaient s’étoffer (…) La Chine va aussi poursuivre et augmenter son aide humanitaire, en particulier pour le traitement du Covid-19 », a-t-il ajouté.
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Reprise des transferts d’argent
L’entreprise américaine spécialisée dans les transferts d’argent Western Union a annoncé, jeudi, avoir repris ses opérations vers l’Afghanistan. Elles avaient été suspendues le 18 août, en raison de la prise de pouvoir des talibans. « Nos clients [vont pouvoir] à nouveau envoyer de l’argent et soutenir leurs proches », a annoncé une porte-parole dans un communiqué. Ces transferts d’argent envoyés par des membres de leurs familles vivant à l’étranger sont cruciaux pour les Afghans.
Selon la Banque mondiale, ils se sont élevés à près de 789 millions de dollars (soit 665 millions d’euros) en 2020, pour un produit intérieur brut (PIB) la même année estimé à 19,8 milliards, soit près de 4 %.
La semaine dernière, l’institution de Washington avait annoncé suspendre ses aides au pays tout en explorant « les moyens de rester engagée pour (…) continuer à soutenir le peuple afghan ». L’autre grande institution, le Fonds monétaire international, avait annoncé dès le 18 août la suspension de ses propres aides en faveur de l’Afghanistan.
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