Affaire Xavier Dupont de Ligonnès : Les troublantes similitudes avec l’affaire John List – 20 Minutes

La maison Dupont de Ligonnès, boulevard Schuman, à Nantes, en avril 2011. — Sipa
  • Agnès Dupont de Ligonnès et ses enfants Arthur, Anne, Benoît et Thomas ont été assassinés entre le 3 et le 5 avril 2011 dans leur maison à Nantes.
  • Xavier Dupont de Ligonnès n’a plus été repéré depuis le 15 avril 2011.
  • John List était un criminel américain arrêté en 1989, 18 ans après avoir tué sa famille par arme à feu.

Il y a dix ans, jour pour jour, débutait à Nantes l’une des plus grandes affaires criminelles françaises : l’assassinat d’Agnès Dupont de Ligonnès et de ses quatre enfants au domicile familial. L’histoire fascine par la préparation des « cinq exécutions méthodiques », mais surtout parce que le père de famille a disparu et, visiblement, organisé soigneusement sa fuite. Parfois comparée aux affaires françaises Romand ou Godard, l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès rappelle davantage un autre quintuple assassinat, américain celui-là, ayant défrayé la chronique 40 ans plus tôt.

Le 7 décembre 1971, à Westfield dans le New Jersey, la disparition de la famille List alerte les voisins et les autorités. La police pénètre dans le domicile et découvre les corps sans vie de la mère, de ses trois enfants adolescents et de la grand-mère. Le père de famille, John, agent d’assurances, manque à l’appel. Il devient le principal suspect mais demeure introuvable malgré des recherches actives. Ce n’est que 18 ans plus tard, le 1er juin 1989, dans l’Etat de Virginie, qu’un certain Robert Clark, homme marié discret, est confondu par ses empreintes digitales : il est John List !

« Les similitudes entre l’affaire Dupont de Ligonnès et John List sont, à nos yeux, très troublantes », réagissent Jean-Michel Laurence et Béatrice Fonteneau, coauteurs du livre Sans pitié pour les siens, le mystère Xavier Dupont de Ligonnès. Les deux journalistes, comme beaucoup d’autres, sont frappés par les points communs.

Le profil, le mobile et le mode opératoire concordent

Première ressemblance, le profil : John List, 46 ans, était un homme sans histoire, vivant dans une maison confortable. Sa mère l’avait élevé avec une éducation religieuse très stricte. Comme Xavier Dupont de Ligonnès. Deuxième point commun, le mobile éventuel : à cette époque, John List est, lui aussi, criblé de dettes et en échec professionnel. Des difficultés qu’ils n’assument pas au point de les cacher à ses proches.

Les faits criminels, ensuite, sont très comparables. « Le 9 novembre 1971, John List rentre de sa journée de travail, raconte Jean-Michel Laurence. Il abat froidement, méthodiquement, avec une arme à feu, sa femme, sa mère et ses enfants. Il assiste au match de football de son dernier fils, qu’il élimine à leur retour chez eux. On se souvient que les policiers nantais ont établi que Thomas Dupont de Ligonnès a été tué avec un jour de décalage avec les autres victimes, de retour d’Angers où il vivait. John List s’acharne sur le corps du plus jeune, tirant à dix reprises. Le corps de Benoît Dupont de Ligonnès, le benjamin, a été également atteint de plusieurs projectiles contrairement aux autres enfants tués. » Le chien de la famille List avait disparu. Et on sait que le tueur de Nantes avait supprimé les deux labradors.

XDDL était sur place quand l’affaire a éclaté

La planification précédant les crimes des deux affaires concorde également. « List avait résilié son abonnement chez le livreur de lait, demandé à la Poste de ne plus livrer son courrier; il a prévenu l’école de ses enfants et ses proches de l’absence de toute la famille pour cause de déménagement… », énumère Béatrice Fonteneau. Xavier Dupont de Ligonnès, lui aussi, avait écrit à ses proches pour leur dire qu’il allait être exfiltré aux Etats-Unis. Il avait prévenu les écoles, avait résilié le bail de location, payé certaines factures et pris des dispositions pour le courrier. « John List avait également laissé la lumière et de la musique allumées pour faire croire que la maison était habitée. Il y avait la même notion de gagner du temps », ajoute Bruno de Stabenrath, ami de jeunesse du fugitif français et auteur du livre L’Ami impossible. La voiture de John List avait été abandonnée sur le parking d’un aéroport. Celle de XDDL est restée sur le parking d’un hôtel.

De fait, les cinq corps de la famille List n’ont été retrouvés qu’un mois après les crimes, laissant le temps au suspect de s’évanouir dans la nature. Dans l’affaire Dupont de Ligonnès, 17 jours se sont écoulés entre la date présumée des assassinats et la mise au jour des cinq corps sous la terrasse.

Mais ce qui est peut-être encore plus troublant, c’est que l’étude des voyages passés de Xavier Dupont de Ligonnès a permis de démontrer qu’il se trouvait aux Etats-Unis lorsque John List a été arrêté, le 1er juin 1989 ! « Il était dans un ranch au Texas pile au moment où l’affaire a éclaté, confirme Bruno de Stabenrath. Il en a probablement entendu parler car ça a eu un retentissement énorme là-bas à l’époque. Mais on ne peut pas en être sûr non plus. »

List ne pouvait pas envisager le suicide

Si John List a pu être découvert après 18 ans de cavale, c’est grâce à une émission de télévision traitant des personnes recherchées : America’s Most Wanted. Son portrait vieilli, diffusé à l’écran, a été reconnu par une voisine du dénommé Robert Clark. Ce dernier niera pendant six mois être John List et l’auteur des crimes, avant de tout avouer. John List justifia les homicides par ses difficultés financières. « J’ai finalement décidé que le seul moyen de les sauver de cela était de les tuer », a-t-il déclaré, selon un article d’ABC News. « J’ai grandi avec l’idée que vous devriez subvenir aux besoins de votre famille et pour ce faire, vous deviez réussir dans le travail », ajouta-t-il. John List expliqua même pourquoi il ne pouvait envisager le suicide. « J’étais convaincu que si vous vous tuez vous-même, vous n’irez pas au paradis », a-t-il avancé. Il meurt en prison en 2008 à l’âge de 82 ans.

Xavier Dupont de Ligonnès sera-t-il lui aussi arrêté, un jour, sous une nouvelle identité ? « Pour cela, il faudra qu’il soit confondu par son ADN, qui a été recueilli sur un de ses vêtements retrouvé à l’intérieur de sa voiture, explique Jean-Michel Laurence. Cet ADN est conservé dans une armoire blindée au sein du laboratoire de police scientifique, l’IGNA. Et c’est lui et seulement lui qui permettra d’apporter la preuve irréfutable qu’il s’agit bien du père de famille mystérieusement disparu à Nantes en avril 2011… »

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