Affaire ukrainienne : témoignage «explosif» au Congrès, Trump en difficulté après un nouvel impair – Le Figaro
Un diplomate américain en poste à Kiev a livré mardi devant le Congrès un témoignage «explosif» dans l’affaire ukrainienne, plaçant Donald Trump, qui est sous la menace d’une procédure de destitution, dans une situation particulièrement délicate.
Très remonté, le président américain a comparé sur Twitter la procédure le visant à un «lynchage», déclenchant immédiatement une nouvelle polémique. En effet, ce mot est lourd de sens aux Etats-Unis, où il est associé aux meurtres de Noirs par des Blancs aux XIXe et XXe siècles, essentiellement dans le Sud du pays.
Les élus de la Chambre des représentants cherchent à déterminer si Donald Trump a utilisé la politique étrangère américaine à des fins politiques personnelles. Concrètement, il veulent comprendre si le président de la première puissance mondiale a fait pression sur l’Ukraine, chantage économique à l’appui, pour que ce pays enquête sur son rival démocrate Joe Biden.
Un récit «accablant»
Selon le Washington Post, Bill Taylor, chargé d’affaires américain en Ukraine, a renforcé mardi, lors d’un témoignage à huis clos, les soupçons pesant contre le locataire de la Maison Blanche.
Il a relaté que Gordon Sondland, ambassadeur américain auprès de l’Union européenne (UE), lui avait clairement indiqué que M. Trump avait lié le déblocage d’une aide à l’Ukraine à l’annonce par Kiev d’une enquête visant le fils de M. Biden, qui fut au conseil d’administration d’une entreprise ukrainienne. M. Sondland «m’a dit (..) que tout était lié à une telle annonce, y compris l’aide économique», a-t-il raconté, selon le quotidien.
«Ce que j’ai entendu aujourd’hui de la part de Bill Taylor était très troublant et explosif», a tweeté l’élu démocrate du Congrès Adriano Espaillat. «C’était tout simplement le témoignage le plus accablant que j’ai entendu», a surenchéri l’élue Debbie Wasserman Schultz, également démocrate.
Dans un message daté de début septembre adressé à M. Sondland, M. Taylor s’inquiétait ouvertement des pressions exercées par la Maison Blanche sur la présidence ukrainienne. Je «trouve ça dingue de suspendre l’aide sécuritaire en échange d’un coup de main pour une campagne politique», écrivait-il.
«Lynchage», le mot qui ne passe pas
Quelques heures avant le témoignage de Bill Taylor, M. Trump s’était plus que jamais posé en victime.
«Un jour, si un démocrate devient président et que les républicains remportent la Chambre des représentants, même avec une toute petite marge, ils peuvent lancer une procédure de mise en accusation du président, même sans respect des procédures, sans équité ou sans droits», avait tweeté le milliardaire républicain. «Tous les républicains doivent se souvenir de ce à quoi ils assistent ici: un lynchage».
Le tweet matinal a suscité de très vives réactions dans la capitale fédérale américaine, pourtant habituée aux déclarations volontairement provocatrices de l’ancien homme d’affaires de New York.
Fait remarquable, Mitch McConnell, chef de la majorité républicaine au Sénat, qui se tient le plus souvent à l’écart de toute critique du président, a exprimé son désaccord. «Compte tenu de l’histoire de notre pays, je ne comparerais pas cela à un lynchage», a-t-il déclaré, déplorant un choix de mots «regrettable».
«C’est un mot qu’aucun président ne devrait utiliser pour lui-même», a réagi le démocrate James Clyburn sur CNN. «Je viens du Sud. Je connais l’histoire de ce mot. C’est un mot qu’il faut utiliser avec beaucoup, beaucoup de prudence», a ajouté l’élu afro-américain.
«J’ai étudié avec attention l’histoire présidentielle, nous n’avons jamais rien vu de tel», a-t-il encore dit, soulignant que les trois autres présidents américains ayant été visés par une procédure de mise en accusation –Andrew Johnson, Richard Nixon et Bill Clinton– n’avaient jamais fait de telles références.
«Un lynchage? 4.743 personnes ont été lynchées aux Etats-Unis entre 1882 et 1968, parmi lesquels 3.446 Afro-Américains», a réagi Kristen Clarke, présidente d’une association de défense des droits civiques. Et de souligner que les lynchages furent un chapitre «répugnant» de l’histoire américaine.
«Le président n’est pas une victime (…) Établir un parallèle entre la situation difficile dans laquelle il se trouve et un lynchage est grotesque», a réagi Jeb Bush, frère et fils d’anciens présidents républicains, et candidat à la primaire républicaine en 2016.
La Maison Blanche a défendu l’utilisation de ce mot en assurant que le président ne faisait pas de référence historique. «Le président n’essayait pas du tout de se comparer à l’histoire terrible de ce pays», a déclaré Hogan Gidley, porte-parole de l’exécutif.
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