Affaire Maëlys : « J’ai fait rentrer le loup dans la bergerie »… Les regrets et la colère des mariés contre Nordahl Lelandais – 20 Minutes

A la cour d’assises de l’Isère,

Cela devait être le plus beau jour de leur vie. Leur mariage devait rassembler 160 convives, amis et membres de la famille. Tous réunis autour d’Eddy et Anne-Laure dans la salle des fêtes de Pont-de-Beauvoisin, dans l’Isère. Les amoureux avaient tout prévu : un DJ, une baby-sitter pour occuper les enfants… Mais les invités n’ont pas pu fouler longtemps la piste de danse.

La soirée du 26 août 2017 qui avait si bien commencé a été gâchée par la disparition, vers 2h45, d’une petite-cousine du marié, Maëlys, 8 ans. Depuis, ce militaire de profession, âgé de 40 ans, ne peut s’empêcher de ressentir de la « colère » contre l’accusé et des regrets. « J’ai fait rentrer le loup dans la bergerie à mon propre mariage », souffle-t-il, ce mardi, à la barre de la cour d’assises de l’Isère où est jugé depuis sept jours Nordahl Lelandais pour l’enlèvement et le meurtre de la fillette.

Ce grand gaillard au crâne dégarni avait pourtant « confiance » en cet invité de dernière minute. Ils se sont rencontrés il y a environ vingt ans et sont devenus amis. Mais Nordahl n’était pas un « proche-proche », précise-t-il. D’ailleurs, ils s’étaient perdus de vue en 2012 lorsqu’un ami commun était parti vivre à Tahiti. « On avait moins l’occasion de faire la fête », poursuit Eddy.

Quelques jours avant le mariage, il reçoit un appel de « Nono ». « Je voulais le féliciter pour son mariage. Dans la conversation, il m’a dit de passer au vin d’honneur », raconte depuis son box l’accusé, chemise blanche et tête baissée. Eddy n’avait « aucune crainte à l’inviter ». En parlant avec lui, il a eu l’impression « que c’était la même personne qu’avant, les mêmes vannes… pour moi rien n’avait changé ». Mais depuis cet appel, Eddy est rongé par la culpabilité. « Si je ne suis pas là, si je ne réponds pas, si je ne l’invite pas… »

Du rêve éveillé au « cauchemar »

Au cours de la soirée, Maëlys, la fille de sa cousine Jennifer, se volatilise. « Pendant 15-20 minutes, je n’y crois pas. Mais on ne la trouve pas, on commence à s’affoler », reprend-il. En quelques minutes, le rêve éveillé se transforme en « cauchemar ».

« On cherche sous les tables, elle n’était pas là, on a fait les chambres froides dans la cuisine, elle n’était toujours pas là. On a fait les extérieurs, les parkings. Avec un oncle on a fait les champs autour », se souvient David, 42 ans, un cousin de la maman de Maëlys. « Quand on commence à chercher dans des chambres froides, dans des poubelles, c’est l’enfer, on se dit qu’on ne la retrouvera pas. Ses parents sont désœuvrés, tout le monde pleure. Les gendarmes arrivent, les chiens cherchent, il ne se passe rien. »

On demande à « Nono » s’il n’aurait pas vu cette fillette, celle avec une robe blanche à qui il a montré des photos de ses chiens sur son téléphone lors de la soirée. Mais ce dernier catégorique : il ne l’a pas croisée. Juste avant que les gendarmes n’arrivent, l’accusé part « sans dire au revoir, sans rien dire », parce qu’il était malade, se rappelle Eddy. Mais le marié trouve ça étrange. « Je l’avais vu avant il allait très bien. »

« On pensait que c’était parce qu’il avait de la cocaïne dans sa voiture », complète Kévin, le frère d’un témoin du marié. Lui aussi a rapidement tiqué sur l’étrange attitude de l’accusé. « Le lendemain, on devait être entendu par la gendarmerie. Il n’était pas là, donc je l’ai appelé. » Nordahl joue l’étonné. « Je lui ai dit qu’une petite fille avait disparu. Il m’a dit : “ah, vous ne l’avez pas retrouvée ?” » L’ancien militaire arrive dix minutes après. « Il nous a fait la bise, comme un lâche, comme si de rien n’était. »

« On le regrettera toute notre vie »

Son frère, Mickaël, 37 ans, a aussi eu des doutes très vite. En repartant à Lyon, le lendemain, il s’arrête dans une station essence et aperçoit Nordahl Lelandais nettoyer son Audi A3. « J’ai échangé avec lui des banalités. Il avait soif, je lui ai donné une boisson sucrée et je suis reparti. » Mais un détail l’intrigue. Pourquoi lavait-il sa voiture dans cette station « à l’opposée de chez lui », alors qu’une autre station était plus proche de son domicile ? Il décide de livrer cette information aux enquêteurs. Il leur confie également qu’au cours de la soirée, il a « vu l’accusé discuter avec Maëlys et lui demander de passer par l’entrée du DJ alors que lui allait passer par l’entrée principale ».

Après avoir clamé son innocence durant six mois, Nordahl Lelandais a fini par reconnaître avoir tué la fillette et s’être débarrassé de son corps. Mais il n’a jamais détaillé pourquoi et dans quelles conditions. « Il nous a dupés, on le regrette amèrement et on le regrettera toute notre vie », se désole Anne-Laure, 39 ans, l’épouse d’Eddy.

Elle connaît l’accusé depuis ses 20 ans. Pour elle, il était « quelqu’un de très jovial, un bon vivant qui aimait faire la fête, vantard, très adaptable ». « Je ne pouvais pas imaginer une seule seconde que cela soit quelqu’un du mariage » qui avait enlevé Maëlys. Elle et son mari, qui sont parents de deux enfants, « voulaient juste partager [leur] bonheur » avec leurs proches. Elle se tourne vers lui. « Il n’est pas jugé pour tous ses crimes, pour tous les dommages collatéraux dont on fait partie, pas jugé pour les séquelles psychologiques, pour les vies brisées. »

Le procès se poursuit jusqu’au 18 février. L’accusé encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Suivez la suite de ce procès sur le compte Twitter de notre journaliste @TiboChevillard

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