Affaire du « charnier » de Paris-Descartes : le parquet de Paris ouvre une information judiciaire – Le Monde

Soixante-douze familles ont porté plainte en février dans l’enquête ouverte par le parquet de Paris pour « atteinte à l’intégrité d’un cadavre » visant les conditions de conservation de corps dans le CDC de l’université Paris-Descartes.

L’affaire du « charnier » de Paris-Descartes s’accélère. Une information judiciaire a été ouverte par « réquisitoire introductif », mercredi 8 juillet, pour « atteinte à l’intégrité du cadavre », a annoncé jeudi 9 juillet au Monde le parquet de Paris.

En novembre 2019, le pôle santé du parquet de Paris avait ouvert une enquête préliminaire à la suite des révélations de L’Express, qui avait mis au jour les dysfonctionnements et autres dérives liées à la conservation et à l’usage des dépouilles au Centre du don des corps (CDC) de la rue des Saints-Pères, à Paris. Il s’agit du plus grand centre anatomique de France, créé en 1953 et rattaché à l’université Paris-Descartes (devenue en janvier l’Université de Paris, après la fusion avec sa consœur Paris-Diderot).

Depuis décembre, plusieurs auditions ont été menées par la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), qui cherche à établir les responsabilités de l’administration sur le plan pénal.

« Une victoire »

A ce jour, 72 familles de défunts ont déposé plainte contre X pour « atteinte à l’intégrité d’un cadavre » auprès du parquet de Paris. Ces proches de « donneurs » ont créé, début juin, une association, baptisée « Charnier Descartes, justice et dignité ». « L’ouverture de cette information judiciaire est une victoire, réagit Laurence Dezélée, vice-présidente de l’association. Cela signifie que cette affaire débouchera sur un procès et que les responsables seront jugés. Cette affaire doit servir à mieux encadrer la législation en matière de don des corps. »

Le 13 juin, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche avait publié une synthèse de huit pages du rapport des inspecteurs, chargés depuis novembre de faire la lumière sur la chaîne des responsabilités dans l’affaire du « charnier » du CDC « ces dix dernières années ». Alors que les conclusions de ce document étaient très sévères, pointant de « graves manquements éthiques qui ont perduré pendant plusieurs années », la ministre de la recherche, Frédérique Vidal n’a pas souhaité divulguer ce rapport et assure l’avoir transmis au pôle santé du parquet de Paris.

« L’ouverture d’une information judiciaire va permettre de savoir qui a été interrogé et d’avoir accès au dossier, mais aussi d’avoir accès au rapport intégral d’inspection, indique Me Frédéric Douchez, l’avocat de 67 familles plaignantes. Nous allons enfin avoir un éclairage sur ce qui s’est passé au CDC. »

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L’université veut se constituer partie civile

De son côté, la présidente de l’Université de Paris, Christine Clerici, affirmait dans un communiqué, le 16 juin, avoir informé le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, « que son établissement se constituera partie civile dès qu’une information judiciaire sera ouverte ».

« L’ouverture d’une information judiciaire est une bonne initiative du parquet, assurent Me Patrick Maisonneuve et Me Bérénice de Warren, les avocats de l’Université de Paris. Le juge d’instruction va essayer de faire la lumière sur ce qui a pu se passer par le passé et déterminer d’éventuelles responsabilités individuelles. Jusqu’à présent, nous étions observateurs et nous serons acteurs si notre demande de constitution de partie civile est admise. Il y a eu un préjudice réputationnel, d’image pour l’Université Paris-Descartes. L’actuelle présidence de l’Université de Paris s’associe à la démarche des familles. »

Dans la synthèse du rapport d’inspection sur le CDC, fermé administrativement depuis novembre et le début du scandale, l’ancienne direction de Paris-Descartes est tenue pour responsable « car ces faits graves ont bien eu lieu, les alertes ont été adressées [à partir de 2012 et après 2016] aux différentes autorités de l’université et il ne leur a pas été durablement apporté de correction avant 2018 ». Et ce malgré plusieurs « documents », « rapports externes », « photographies », portés à la connaissance de l’administration de l’établissement.

La veille de la publication de cette synthèse, le ministère de l’enseignement supérieur a mis un terme, par un arrêté, aux fonctions de l’un des principaux conseillers de Mme Vidal. Il s’agit de Frédéric Dardel, ex-président de Paris-Descartes (2011-2019), en première ligne lors des dérives au CDC. Contacté par Le Monde, ce dernier n’a pas donné suite.

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