Adrien Quatennens accusé de violences conjugales : cinq questions sur la procédure de “plaider-coupable” à la – franceinfo

C’est une procédure peu connue du grand public. Le député La France insoumise du Nord Adrien Quatennens a été convoqué le 13 décembre à Lille pour une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) dans l’affaire de violences envers son épouse qui l’a conduit à se mettre en retrait de la vie politique. Franceinfo vous explique ce qu’est cette disposition prévue par le Code de procédure pénal. 

1Quelles sont les accusations formulées contre Adrien Quatennens ? 

Adrien Quatennens fait l’objet d’une enquête pour violences conjugales, ouverte par le parquet de Lille à la suite d’une première main courante de sa compagne, révélée par Le Canard enchaîné le 13 septembre. Selon le couple, qui réagit alors dans un communiqué commun, la main courante a été déposée après une “dispute” ayant eu lieu à la fin de l’été 2021, au cours de laquelle Céline Quatennens avait annoncé à son époux sa volonté de divorcer.

Cinq jours plus tard, face à la polémique qui enfle, le député du Nord reconnaît avoir giflé son épouse. Dans un communiqué publié sur Twitter, l’élu précise : “J’ai donné [cette gifle] alors que cela ne me ressemble pas et cela ne s’est jamais reproduit. J’ai profondément regretté ce geste et je m’en suis alors beaucoup excusé.” Il admet aussi, lors de diverses disputes, avoir “saisi le poignet” de son épouse, pris son téléphone portable” ou encore lui avoir “envoyé de trop nombreux messages”. 

Quelques jours plus tard, Céline Quatennens dépose une nouvelle main courante pour dénoncer les nombreux SMS reçus de la part de son mari après leur séparation. Ces derniers ne contiennent “aucun message à caractère malveillant ou menaçant”, assure néanmoins l’avocate d’Adrien Quatennens, Jade Dousselin. Céline Quatennens dépose finalement plainte contre son époux, le 26 septembre, “sans ajouter d’élément nouveau” à ceux contenus dans les mains courantes, selon Jade Dousselin.

Deux mois plus tard, Céline Quatennens formule, pour la première fois publiquement, de nouvelles accusations à l’encontre d’Adrien Quatennens. Dans un communiqué envoyé à l’AFP, mercredi 23 novembre, elle assure, contrairement à la défense publique du député insoumis, subi[r] ses colères, ses crises, des violences physiques et morales” depuis “plusieurs années. Cette fois-ci, le député “dément catégoriquement” ces “accusations mensongères”, assure son avocate. “Ces déclarations interviennent dans le cadre de négociations tendues à l’occasion de son divorce et de désaccords sur les modalités financières et la garde de leur enfant”, ajoute-t-elle.

2En quoi consiste la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ?

La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, aussi appelée le “plaider-coupable”, permet de juger rapidement, et à huis clos, l’auteur d’une infraction qui reconnaît les faits reprochés. Il s’agit donc d’une dérogation, prévue par l’article 495-7 du Code de procédure pénale, à la voie classique qu’est l’audience en tribunal correctionnel“La fonction du ‘plaider-coupable’ est de désengorger les tribunaux, puisqu’à partir du moment où l’auteur reconnaît sa culpabilité, cela ne nécessite pas de procès contradictoire”, explique à franceinfo Laure Heinich, avocate en droit pénal.

La CRPC est décidée par le procureur, de sa propre initiative, ou à la demande de l’auteur des faits. En l’occurrence, Adrien Quatennens a “accepté cette procédure dans la continuité de sa volonté de vérité et d’exemplarité”, a assuré son avocate. Pour qu’une affaire passe en CRPC, il faut donc que le mis en cause reconnaisse sa culpabilité sur l’intégralité des faits qui lui sont reprochés, mais aussi qu’il ait été majeur au moment de l’infraction.

Par ailleurs, les faits reprochés ne doivent pas être des délits punis par une peine de prison de plus de cinq ans (les agressions sexuelles par exemple), ni relever de l’homicide involontaire, des délits de presse (l’injure et la diffamation, notamment), ou des délits politiques (comme la participation à une manifestation non autorisée), détaille le site service-public.fr

3Cela signifie-t-il que les nouvelles accusations de son épouse n’ont pas été retenues par la justice ?

Les faits pour lesquels Adrien Quatennens doit comparaître “sont la gifle ayant eu lieu il y a plus d’un an (…) et les SMS qu’il a envoyés après leur séparation”, a précisé son avocate, lundi. “Aucune autre infraction, notamment celle de harcèlement retenue au début de l’enquête, n’a été retenue”, a-t-elle ajouté. Après le communiqué de Céline Quatennens dénonçant des “violences physiques et morales” durant “plusieurs années”, mercredi, elle a de nouveau assuré, sur BFMTV, qu’“aucun fait de violences répétées ni de harcèlement n’ont été retenus par le parquet”. “Même si les accusations [de violences répétées] de madame Quatennens sont rendues publiques aujourd’hui, la justice en a [déjà] eu connaissance”, a-t-elle également assuré. 

Contacté par franceinfo pour vérifier ce point, le parquet de LiIlle ne nous a pas répondu. Sans se prononcer sur le fond du dossier Quatennens, la pénaliste Laure Heinich précise qu’un procureur peut choisir de passer par une CRPC sur une partie des faits de l’enquête seulement, en écartant certaines infractions qui ne seraient pas reconnues par le mis en cause – qu’elles soient avérées ou non –, s’il craint de ne pas avoir assez d’éléments pour les prouver lors d’une procédure ordinaire en correctionnelle.

4Quelles sont les sanctions pénales qui peuvent être prises à l’issue de cette comparution ? 

Lors de sa convocation devant le procureur, le mis en cause se voit proposer une ou plusieurs peines, qu’il s’agisse d’amendes ou de peines de prison. Mais la durée de l’emprisonnement dans le cadre d’une CRPC ne peut pas dépasser la moitié de la peine de prison encourue dans le droit. Soit, dans le cas de violences sur conjoint, trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Au maximum, Adrien Quatennens encourt donc un an et demi de prison et 45 000 euros d’amende pour la gifle qu’il a reconnu avoir donnée à son épouse. 

Cet avantage apparent, en comparaison avec la voie correctionnelle, est pourtant relatif, assure Laure Heinich. Même en passant par la voie classique, “les statistiques montrent qu’un primo-délinquant ne risque jamais autant que la moitié de la peine encourue“. Il est donc probable que la sanction prononcée contre le député soit bien moindre.

Une fois la proposition de peine effectuée, le mis en cause peut l’accepter immédiatement, la refuser ou demander un délai de réflexion de dix jours maximum, à l’issue duquel se tient une nouvelle comparution. Si la peine est refusée par l’auteur des faits, alors l’affaire est renvoyée devant le tribunal correctionnel. Si la peine est acceptée, alors un juge doit encore l’homologuer lors d’une audience publique.

Plusieurs raisons peuvent pousser à ce que le juge ne le fasse pas, relève Laure Heinich, la plupart du temps “car il estime que la peine est trop faible”. Ce peut être également le cas s’il estime “que le parquet a commis un vice de procédure”, ou “que l’infraction mérite quand même d’être jugée en correctionnelle”. Enfin, il peut également refuser d’homologuer la proposition de peine “lorsque les déclarations de la victime apportent de nouveaux éléments sur les faits ou sur la personnalité de l’auteur”, détaille le site service-public.fr. Dans ce cas, l’affaire est renvoyée devant le tribunal correctionnel.

5Quelles peuvent être les conséquences politiques d’un “plaider-coupable” ?

Le député LFI du Nord n’a plus siégé dans l’hémicycle depuis mi-septembre. Et le groupe insoumis à l’Assemblée, affirmant “prendre au sérieux [la] parole” de Céline Quatennens, a annoncé mercredi soir qu’il ne participerait pas à l’activité parlementaire, jusqu’à ce que la décision de justice qui le concerne soit rendue. “Ensuite seulement, en fonction de ce que les professionnels ont pu établir comme faits (…), il [sera] possible pour les membres du groupe de La France insoumise de juger ce qu’il est possible de faire”, a détaillé le député LFI Aymeric Caron, jeudi sur RMC et BFMTV.

Mais plusieurs responsables politiques, y compris au sein de la Nupes, considèrent que son retour dans l’hémicycle est d’ores et déjà impossible. La cheffe des députés Renaissance, Aurore Bergé, a ainsi estimé qu’il n’avait “plus sa place dans l’hémicycle”. Revenir lui est “désormais impossible”, a aussi jugé mercredi le patron du PS, Olivier Faure. La députée écologiste Sandrine Rousseau a elle aussi estimé qu’Adrien Quatennens ne pouvait “plus siéger à l’Assemblée”.

“L’Assemblée, à elle seule, n’a aucun moyen de priver un de ses membres de son mandat”, rappelait pourtant mi-octobre à franceinfo Didier Maus, président émérite de l’Association française de droit constitutionnel et ancien conseiller d’Etat. Dans le cas de la sanction interne la plus sévère, définie dans l’article 73 du règlement de l’Assemblée nationale, un élu peut se voir privé d’hémicycle pour une durée ne pouvant excéder 30 jours de séance. Un député peut en revanche être expulsé de son groupe parlementaire en cas de désaccord profond avec la ligne politique prônée par ce dernier. Mais même dans ce cas de figure, ce dernier peut continuer à siéger dans l’hémicycle jusqu’à la fin de son mandat en tant que député non inscrit, c’est-à-dire sans être apparenté à un groupe parlementaire. Une solution en faveur de laquelle penchent plusieurs députés Nupes, comme le député PS Arthur Delaporte, qui considère que l’alliance de gauche “ne peut plus accueillir Adrien Quatennens sur ses bancs”.

“La seule possibilité pour qu’un député perde son mandat serait que ce dernier soit condamné à une peine importante, et qu’ensuite le Conseil constitutionnel estime que cette peine soit incompatible” avec l’exercice de ses fonctions, selon Didier Maus. Un cas qui ne s’est en tout cas jamais présenté jusque-là,“aucune exclusion définitive” n’ayant été prononcée “durant toute la Ve République”, rappelle Benjamin Morel, maître de conférences en droit public. 

Et si la solution pour Adrien Quatennens, afin de retrouver une légitimité politique, était de démissionner puis de retourner devant ses électeurs ? “Ça peut être une attitude qui est décidée, de manière générale et dans le cas présent”, a reconnu le député Alexis Corbière, vice-président du groupe LFI à l’Assemblée nationale, qui a toutefois dit ne pas “appeler à la démission” de son collègue.

Leave a Reply

Discover more from Ultimatepocket

Subscribe now to keep reading and get access to the full archive.

Continue reading