Accord entre le PS et LFI pour les législatives : Martine Aubry appelle les socialistes à le valider, Anne Hidalgo s’y oppose mais ne veut pas « l’empêcher » – Le Monde

La maire de Lille, Martine Aubry, lors d’une manifestation contre le racisme et l’extrême droite, le 5 février 2022.

Ce sont deux figures du même parti, partageant une ligne politique assez similaire, mais qui, au vu des circonstances, prennent deux positions différentes. Alors que la maire de Lille, Martine Aubry, a annoncé jeudi 5 mai être favorable à l’accord passé entre le Parti socialiste (PS) et La France insoumise (LFI) pour les législatives, « non sans quelques réserves majeures », et « appelle les socialistes » à le valider, Anne Hidalgo, candidate malheureuse du PS à l’élection présidentielle (1,75 %) et maire de Paris, a, elle, fait savoir s’y opposer mais « ne souhaite pas l’empêcher ».

« Il ne porte pas les garanties nécessaires sur des sujets aussi essentiels que l’OTAN, l’Europe de la défense, la laïcité et les valeurs universelles », et « ne se fait pas dans le respect des personnes, ni dans le respect des élus implantés », a déclaré l’édile à l’Agence France-Presse (AFP) jeudi après-midi. Mme Hidalgo ajoute cependant que face à « l’urgence démocratique, sociale et écologique », elle « ne souhaite pas empêcher un accord électoral qui vise à combattre la régression écologique et sociale ».

Restée silencieuse ces derniers jours, Martine Aubry a, elle, fait connaître son choix par le biais d’un communiqué quelques heures plus tôt, avant la tenue du conseil national du PS prévu à 19 heures, qui doit valider ou non l’accord conclu avec LFI la veille.

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« Forte aspiration au rassemblement et à l’unité »

« Je partage les propositions de justice sociale comme l’augmentation du pouvoir d’achat, la retraite à 60 ans pour tous ceux que le travail a usés, la défense des services publics, en particulier l’école et la santé, l’égalité hommes-femmes, le développement de la culture. Je soutiens évidemment les mesures en faveur d’une action résolue pour le climat, ainsi que pour plus de démocratie », commence par écrire Mme Aubry, tout en notant « que cet accord ne correspond pourtant pas en tout point à [ses] convictions profondes ».

« J’ai des réserves majeures concernant l’Europe, prévient-elle. Aussi critiquable que soit le fonctionnement actuel de l’Union européenne, qui a trop encouragé la libéralisation de l’économie et n’a pas protégé les plus fragiles exposés aux ravages de la mondialisation, la place de la France est et reste dans l’UE », assure Mme Aubry. « La désobéissance aux traités et directives n’est pas une option. Leur révision pour plus de justice sociale et écologique, en revanche, doit être notre objectif. Nous devons le faire en nous battant à l’intérieur, notamment avec les pays qui sont gouvernés par une majorité de gauche », affirme la socialiste.

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« Je suis consciente des limites de l’accord qui nous est proposé. Comme tout accord pour s’opposer à la droite et l’extrême droite, il implique que chacun fasse des pas vers l’autre. Depuis trop longtemps à gauche, nous n’en avions plus l’habitude, décourageant beaucoup de celles et ceux qui plaçaient en nous leurs espoirs d’un avenir meilleur », écrit encore Mme Aubry, disant comprendre ce « qu’un tel accord peut représenter comme déception pour les candidat(e)s du Parti socialiste qui préparaient leur candidature dans l’ensemble des circonscriptions du pays ».

« Cependant, les électeurs de gauche ont exprimé lors du premier tour de l’élection présidentielle une forte aspiration au rassemblement et à l’unité. Ce message, il faut l’entendre. C’est pourquoi, j’appelle les socialistes à valider cette proposition d’accord », poursuit-elle, avant de conclure :

Soyons au rendez-vous de ce que les femmes et les hommes de gauche attendent de nous et faisons tout pour que le plus grand nombre d’élus de gauche soient présents à l’Assemblée nationale pour barrer la voie au projet défendu par Emmanuel Macron et les candidat(e)s de La République en marche.

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Nombre d’« éléphants » du PS ne veulent pas de cet accord

Un appel qui rappelle le courrier, mercredi soir, des maires socialistes Nathalie Appéré (Rennes), Benoît Arrivé (Cherbourg-en-Cotentin), Olivier Bianchi (Clermont-Ferrand), Mathieu Klein (Nancy), Johanna Rolland (Nantes), Cédric Van Styvendael (Villeurbanne) qui prennent « acte de la répartition des investitures dans nos territoires, qui reflète inégalement l’action de nos majorités locales de rassemblement ». « En responsabilité, nous appelons les socialistes à valider cet accord qui ouvre la perspective du rassemblement de la gauche et des écologistes », écrivent-ils.

Pourtant, pour nombre d’« éléphants » et d’élus du PS, pas question de se ranger sous la bannière de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) – qui rassemble La France insoumise (LFI), le Parti communiste français (PCF) et Europe Ecologie-Les Verts (EELV). Et ce, malgré le score historiquement bas enregistré par leur candidate, Anne Hidalgo, à l’élection présidentielle (1,75 %).

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Parmi les plus virulents pourfendeurs d’un accord avec les « insoumis » figurent l’ancien ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll, l’ex-ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, qui a annoncé qu’il quittait le PS mercredi, l’ancien premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis, la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, ainsi que l’ancien président de la République François Hollande. Tous estiment que leur ligne politique est incompatible avec celle, jugée radicale, de Jean-Luc Mélenchon sur l’Union européenne, la laïcité, les institutions ou encore la question des retraites.

Pour faire prospérer la fronde, les opposants à ce mariage de circonstance comptent non seulement souligner leurs divergences de vues avec les « insoumis », mais aussi mettre l’accent sur le faible nombre de circonscriptions obtenues par le PS lors des négociations. Au nombre de soixante-dix, dont une trentaine jugées gagnables, elles sont en effet bien loin des plus de trois cents investies par le PS en 2017.

« Rassembler pour gagner »

Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a défendu l’accord conclu avec les « insoumis », jeudi matin sur BFM-TV. Il juge que « le vrai Parti socialiste, c’est un Parti socialiste qui a accepté dans son histoire d’être un parti qui bousculait, avec [François] Mitterrand, avec [Lionel] Jospin, qui avait accepté l’idée d’aller vers une forme de radicalité ».

Le premier secrétaire a reconnu qu’il ne « savai[t] pas ce que sera[it] la décision » du conseil national du PS. « Je fais confiance [aux membres du conseil national]. Je leur dirai où nous nous situons. Nous devons considérer que la gauche a besoin de se rassembler pour pouvoir gagner », a-t-il affirmé. Pour vanter cet accord en vue des législatives, M. Faure explique qu’il ne souhaite pas « dérouler le tapis rouge sous les pieds d’une majorité présidentielle qui va être à l’origine de graves régressions pour les Françaises et les Français ». « Nous avons déjà vécu la réforme de l’assurance-chômage. On nous prépare maintenant la réforme des retraites. »

David Assouline, premier secrétaire de la fédération de Paris du PS à Paris et sénateur, a fait savoir jeudi après-midi dans un tweet que les socialistes parisiens, sur une ligne semblable à celle de Mme Hidalgo, « répondant à l’aspiration profonde à l’unité, ne proposeron[t] pas de défaire un accord de notre parti déjà engagé, malgré nos réserves, sur l’Europe et sur la place accordée à nos candidats ».

Le Monde

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