
A Paris, «l’anniversaire» des Gilets jaunes éclipsé par les casseurs – Le Parisien
Une fois encore, à Paris, la violence a occulté les revendications. Un an après le début du mouvement des Gilets jaunes, ce samedi 16 novembre, des ronds-points ont été réoccupés pacifiquement en Normandie ou encore en Occitanie, mais les manifestations prévues dans la capitale pour l’« acte 53 », qualifié d’« anniversaire » par les organisateurs, ont été émaillées d’incidents.
Contrairement aux dérapages survenus lors de plusieurs défilés, qui ont failli dégénérer en émeute dans différents quartiers de la capitale, ces violences ont été circonscrites à trois secteurs : la place d’Italie, surtout, la place de la Bastille ensuite, et enfin, de manière plus sporadique, à Châtelet-Les Halles.
En l’espace d’une année, la stratégie policière a été totalement revue. La fameuse doctrine dite du « maintien de l’ordre à la française », visant à tenir à distance les casseurs, et donc à limiter les risques de blessures pour les personnes, a évolué. Cette fois, les ordres sont clairs : intervenir très tôt, quitte à employer des moyens lourds, comme des canons à eau.
Trois heures d’incidents sur la place d’Italie

Dès le matin, les premiers manifestants qui tentent d’interrompre la circulation sur le périphérique parisien sont délogés. Le secteur des Champs-Elysées, dans le VIIIe arrondissement, interdit à toute manifestation, se trouve sous étroite surveillance, deux blindés à roues veillant sur la flamme du Soldat inconnu. Edgar, un Gilet jaune venu avec la ferme intention de fêter cet anniversaire près de l’Arc de Triomphe, écope d’une amende de 135 euros pour avoir glissé un gilet dans son sac à dos.
Des violences éclatent vers 14 heures place d’Italie dans le XIIIe arrondissement, point de départ prévu de l’un des cortèges. C’est ici que, trois heures durant, vont se concentrer les incidents les plus durs. Destruction d’une stèle en hommage à l’armée d’Afrique venue libérer la France de l’occupant nazi pendant la Seconde Guerre mondiale, poubelles renversées transformées en bûcher, vitrine d’une résidence hôtelière saccagée… De petits groupes de casseurs vêtus de noir et encagoulés se livrent à des assauts sporadiques, empêchant les pompiers d’intervenir en les caillassant.
VIDÉO. Un an de Gilets jaunes : les casseurs de retour dans Paris
Au vu « des violences et des exactions », la préfecture décide d’interdire le défilé qui devait partir de la place. Le but étant de « fixer » ces groupes pour éviter la contamination de la violence à d’autres quartiers, plus symboliques, comme les Champs-Elysées ou Opéra, par exemple.
« Nous les avons fait courir et épuisés progressivement »
Le préfet de police de Paris, Didier Lallement, tient une conférence de presse qui se veut une mise en garde. Il assume une stratégie dure : « Notre réponse sera très ferme vis-à-vis de ces casseurs et de ces destructions », prévient-il. La configuration de la place d’Italie, circulaire et desservie par de grandes artères, facilite le travail des forces de l’ordre. Après la fermeture de toutes les avenues desservant les lieux, CRS et gendarmes mobiles repoussent les casseurs.
Selon nos informations, plusieurs centaines de grenades lacrymogènes sont lancées et sept unités déployées. « Nous les avons fait courir, et les avons épuisés progressivement », commente un responsable policier. Plus d’une dizaine de policiers et de gendarmes sont blessés. Un officier, commandant adjoint d’une compagnie républicaine, est touché à la tête, malgré son masque de protection. Vers 17 heures, le calme revient sur une place dévastée, dont les travaux en cours ont procuré des « munitions » aux plus radicaux.

Les heurts sont terminés, mais pas les incidents, qui, dès lors, se déportent et deviennent sporadiques. Une voiture de police est retournée devant la préfecture de police. Non loin de la Bastille, sur le boulevard Beaumarchais (XIe arrondissement), deux policiers en civil se réfugient en catastrophe dans une laverie automatique, poursuivis par des casseurs. Les forces d’intervention sont appelées en renfort pour secourir leurs collègues.
VIDÉO. Gilets jaunes : deux policiers attaqués dans une laverie
Quelques dizaines de Gilets jaunes descendent du métro à Châtelet et, d’un pas pressé, remontent la rue de Rivoli aux cris de « Révolution » et « Joyeux anniversaire ! ». De mini-manifestations sauvages impliquant environ deux cents personnes.
147 interpellations à 20 heures
Une course-poursuite avec des policiers s’engage dans le centre commercial des Halles, au cœur de Paris, à une heure de grande affluence, devant des Parisiens et des touristes médusés, apeurés ou tout simplement affligés et lassés par le retour de la violence dans la capitale. Non loin, les vitres du bureau du syndicat de police Alliance sont cassées. A 20 heures, un bilan communiqué par la préfecture de police fait état de 147 personnes interpellées.
En province, des heurts sporadiques ont également éclaté dans plusieurs grandes villes. Un millier de personnes environ défilaient à Marseille (Bouches-du-Rhône), lorsque sont intervenues des échauffourées. A Montpellier (Hérault), la permanence du député La République en Marche Patrick Vignal a été dégradée, avec une vitre cassée et plusieurs inscriptions anarchistes taguées sur le bâtiment.
A Nantes (Loire-Atlantique), des incidents ont éclaté dans le centre-ville, où défilait près d’un millier de manifestants, dans une atmosphère saturée de gaz lacrymogènes. A Lyon (Rhône), des tirs de lacrymogène ont également eu lieu dans le centre-ville. A Bordeaux (Gironde), ils étaient 600 à manifester et plusieurs centaines à Toulouse (Tarn-et-Garonne), où, là encore, des canons à eau ont été utilisés.