A l’Assemblée nationale, la folle semaine où le RN s’est institutionnalisé – Le Monde

Marine Le Pen, à l’Assemblée nationale, le 30 juin 2022.

« Je ne veux pas être placée à l’extrême droite de l’Hémicycle. » Marine Le Pen provoque un haussement de sourcils chez ses homologues du Palais-Bourbon. Il est à peine 9 h 30, jeudi 30 juin à l’Assemblée nationale, quand Yaël Braun-Pivet, la nouvelle présidente de l’institution, dévoile devant les dix représentants des groupes parlementaires le plan de l’emplacement des sièges dans l’Hémicycle.

La présidente du groupe Rassemblement national (RN) est contrariée : sa formation est placée, comme à l’accoutumée, à la droite des Républicains (LR). La leader d’extrême droite propose plutôt de s’installer, avec ses 88 députés, plus au centre, à la gauche du groupe LR. Yaël Braun-Pivet ne concède aucun changement. La scène est révélatrice des nouvelles ambitions du parti de Mme Le Pen. Les élus du RN, comme Laurent Jacobelli, député de Moselle, martèlent qu’ils « ne laisseront plus jamais passer ça ». A savoir, être classés à l’extrême droite.

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Depuis une semaine, tout est affaire de symboles et de statuts au Palais-Bourbon. L’installation des nouveaux députés, élus dans un contexte inédit de morcellement du paysage politique, apparaît déjà comme une épreuve de vérité, où chaque acteur de la législature se voit confronté à la normalisation accélérée du parti de Marine Le Pen. A en croire ses proches, la finaliste de l’élection présidentielle en est si satisfaite qu’elle « revit ».

« C’est non négociable »

Illustration de cette nouvelle donne : les conditions, jeudi matin, de l’élection du président de la commission des finances, poste réservé à l’opposition. Les deux premiers tours n’ont débouché sur aucune majorité absolue : Eric Coquerel (La France insoumise, LFI) a terminé en tête avec 20 voix, loin devant Jean-Philippe Tanguy (RN, 11 voix), Véronique Louwagie (LR, 8) et Charles de Courson (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, 2).

Les élus LR réclament alors une suspension de séance. Ils ont un quart d’heure pour s’accorder avec le RN. Dans un salon attenant, Mme Louwagie et Marc Le Fur (LR, Côtes-d’Armor) suggèrent à Jean-Philippe Tanguy de se retirer au profit de la candidate LR, jugée plus consensuelle. « C’est non négociable, nous avons gagné les élections, vous les avez perdues », rétorque le député RN de la Somme.

Le RN croit à un trou de souris où pourraient s’engouffrer les voix anti-Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). « Je me suis agité en jouant à un House of Cards du pauvre », dit en soupirant M. Tanguy. Deuxième suspension de séance, à la demande du RN. Cette fois, les députés d’extrême droite sont plus nombreux à rejoindre le conciliabule. Ils jouent sur la « corde sensible », selon leurs mots, c’est-à-dire la peur à droite des abus de contrôle fiscal. Les élus LR ne se laissent pas attendrir, jusqu’à ce que l’un propose une présidence tournante entre eux, le RN et M. de Courson. Au téléphone, Marine Le Pen accepte l’idée, qui fait toutefois long feu.

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