
A la marche pour le climat à Paris, des militants «écœurés» par les violences – Libération
Le cortège, pourtant déclaré, de la marche mondiale pour le climat a eu du mal à s’élancer, ce samedi après-midi à Paris. Très vite, des heurts éclatent entre forces de l’ordre et manifestants, infiltrés par des dizaines de black blocs. A quelques centaines de mètres seulement du point de départ fixé au jardin du Luxembourg, un premier nuage de gaz lacrymogènes fait reculer la foule, pendant que des motos brûlent en tête. Un pas en avant, un pas en arrière. 7 500 policiers avaient été déployés à Paris ce samedi.
Au milieu du boulevard Saint-Michel, les militants pacifiques se replient, asphyxiés, au rythme des fanfares. De part et d’autre, sur les trottoirs, des black blocks enfoncent leurs cagoules. «Je suis complètement écœurée qu’un mouvement pour l’écologie se termine en gazage complet. Au final, on n’aura même pas pu manifester !» s’indigne Amélie, 23 ans, venue pour l’écologie.
(Photo Marguerite Bornhauser pour Libération)
Sur le rond-point de départ, on aperçoit le Panthéon entre deux camions de CRS. Personne ne sait où aller, c’est le malaise. «On essaie de repartir, mais où ? Ils ont divisé tout le monde, j’ai vu des gens se réfugier dans le métro», témoigne Betty, 53 ans, qui brandit une pancarte «Sauvons nos arbres qui protègent notre roseraie». «C’est ce que je redoutais», tempête sa camarade de banderole, militante d’Aludhay. Une convergence des luttes accidentée donc.
Techno et sérum phy
Pourtant certains y croyaient. Andréa 37 ans, est venue avec sa mère «pour la marche climatique. Je suis aussi gilet jaune, mais je ne l’ai pas sur le dos car ils sont montrés du doigt. Fin du monde, fin du mois, c’est pourtant le même combat. Mais ce qui me fait le plus peur, c’est la police : on leur passe tout, il n’y a plus de limites», s’inquiète-t-elle.
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Puis aux forces de l’ordre de donner le la : «Ici la police nationale : le cortège peut reprendre sa direction initiale vers la place d’Italie», entend-on dans le mégaphone d’un barrage de CRS. Les militants d’Alternatiba et de EE-LV coordonnent leurs troupes. Après hésitation c’est reparti pour un tour. Délesté de plusieurs centaines de manifestants, le cortège s’élance à nouveau sur le boulevard Saint-Michel, au rythme de la techno balancée par les sonos du camion «Give a fuck».
Quelques kilomètres plus loin, ça danse toujours malgré la pluie de lacrymos. Au milieu du carrefour des Gobelins, des gens traversent la foule éructante pour une distribution générale de sérum physiologique. Possession punie de six mois de prison ferme avec mandat de dépôt. «La prochaine fois, je prendrai des lunettes de piscine», promet une quinquagénaire habituée aux marches pour le climat.
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Boulevard Saint-Michel. (Photo Alain Guilhot pour Libération)
«On était là pacifiquement»
«On savait qu’il y aurait des black blocs, on a l’habitude, mais c’est vrai qu’on ne s’attendait pas à ce que ça pète dès le début, déplore un gilet jaune affublé d’un masque de chirurgie. On pensait que ça casserait à la fin.» A l’approche de la place d’Italie, les signaux se multiplient : des cars de gendarmes mobiles dévalent les boulevards et les voltigeurs arrivent sous les huées des manifestants asphyxiés.
«Je suis déçue. Mêler trop de gens avec des exigences différentes n’a pas fonctionné. Un petit groupe de gens a foutu en l’air nos revendications», regrette Pauline, 25 ans, venue manifester pour le climat. Elle se dirige vers le parc de Bercy, point d’arrivée initial du cortège, malgré les appels des organisateurs à stopper la manifestation. «J’espère qu’ils seront au moins une dizaine pour se faire des câlins et se réconforter.»
Parc de Bercy. (Photo Marc Chaumeil pour Libération)
Mais l’ambiance festive n’aura pas duré dans le parc où un nuage de lacrymogènes a émergé après des affrontements entre black blocs et CRS. Le reste des manifestants, profitant des plates-bandes pour un moment de calme bien mérité, a été délogé par des tirs. «C’est incroyable, on était là pacifiquement, dit Benoît qui sort son masque et des lunettes de natation. C’est vrai que la foule était particulièrement agitée !» ironise-t-il, amer, avant de quitter les lieux. Les pacifistes ont tenu bon : la journée s’est terminée par une manifestation non violente sur le pont de Tolbiac, menée par les militants d’ANV-COP21 et des Amis de la Terre.
Au total, 395 personnes ont été verbalisées dans les périmètres interdits et 163 interpellations ont été menées. Un bilan inédit depuis la nomination de Didier Lallement à la préfecture de police de Paris fin mars. L’addition est salée, maintenant la pression sur le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner.