À Beyrouth, le bateau à l’origine de l’explosion était «une bombe flottante» – Le Figaro

Le bateau qui portait la cargaison à l’origine de la tragique explosion qui a détruit le port de la capitale libanaise, fait 137 morts et 5000 blessés, n’aurait jamais dû s’arrêter à Beyrouth.

Le Rhosus – c’est son nom – a fait escale dans la capitale libanaise en septembre 2013 en raison de problèmes techniques. Ce navire battant pavillon moldave devait rallier le Mozambique depuis la Géorgie. Dans ses cales, 2750 tonnes de nitrate d’ammonium. Un sel blanc, inodore, utilisé comme base de nombreux engrais mais aussi, parfois, d’explosifs.

Le Rhosus n’a finalement jamais quitté le port de Beyrouth : il s’est vu interdire de reprendre la mer après une inspection. Il a ensuite été abandonné par son propriétaire, un citoyen russe vivant à Chypre. Igor Grechushkian a déclaré la banqueroute de ce bateau, rapportent plusieurs médias russes. Son équipage serait resté plusieurs mois à bord avant que la cargaison de nitrate d’ammonium ne soit finalement déchargée. Les tonnes de produit ont ensuite été stockées dans les entrepôts du port de Beyrouth.

Le nitrate d’ammonium se trouvait «dans le hangar 12 du port», précise même Badri Daher, directeur des Douanes du Liban, auprès de L’Orient-Le Jour , avant d’expliquer : il y avait «un entrepôt de feux d’artifice» juste à côté. Les conditions exactes de l’explosion ne sont pas connues, mais elle aurait pu être déclenchée par des travaux de rénovation en cours dans le port.

Lettre morte

La justice aurait été alertée à plusieurs reprises de la dangerosité de ce chargement, en vain, explique le directeur des Douanes. En 2014, Mikhail Voytenko, un expert russe du trafic maritime, alertait : le Rhosus était une «bombe flottante». Le directeur des douanes de l’époque, Shafik Merhi, demande cette même année de l’aide pour sécuriser le stockage de la cargaison dans une lettre soulignant une situation «d’urgence». Selon Al-Jazeera, il aurait ensuite envoyé cinq nouvelles missives les années suivantes. Trois options sont proposées : exporter la marchandise, la confier à l’armée ou la vendre à une société privée libanaise. Ces lettres adressées à des juges sont restées lettre morte, et aucune des options proposées pour gérer la marchandise n’a été mise en œuvre. Le nitrate d’ammonium est resté dans l’entrepôt du port de Beyrouth, jusqu’à cette double explosion le 4 août.

«Il y a beaucoup de règles à respecter quand il faut stocker des explosifs comme le nitrate d’ammonium. Mais ils [les autorités libanaises] les ont simplement mis dans un entrepôt, et les ont oubliée», pointe Mikhail Voytenko auprès du média américain The Daily Beast.

Le port de Beyrouth, surnommé «la Caverne d’Ali Baba et des quarante voleurs» en raison des soupçons de corruption qui pesaient sur sa gestion, est géré par les autorités publiques. Le nouveau premier ministre libanais, face à une population qui a immédiatement exprimé sa colère et sa défiance envers les autorités, a promis que «tous les responsables de cette catastrophe en paieront le prix».

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