A Ajaccio, la venue de Zemmour perturbée par des manifestants – Libération

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Le polémiste d’extrême droite poursuivait sa tournée-campagne dans la cité impériale. Un discours en plein air avant une séance de dédicace : des Corses caressés dans le sens du poil et d’autres qui l’ont accueilli avec des « Fasciste dehors ».

Milieu d’après-midi sur le quai d’honneur du port d’Ajaccio. Sous le soleil encore chaud du mois du mois d’octobre, quelque 250 personnes se pressent pour venir assister à la conférence d’Éric Zemmour. Pass sanitaire obligatoire, fouille des sacs, barrières de sécurité, videurs à l’entrée et CRS postés à proximité : tout a été prévu pour assurer un débat dans le calme. Arrivé la veille en Corse, le polémiste est officiellement en tournée dans l’île pour dédicacer son ouvrage mais le dispositif mis en place dans la cité impériale ressemble furieusement à un début de campagne.

Dans les rangs du public, certains ne cachent d’ailleurs pas leur volonté de voir Zemmour se déclarer. Une vingtaine de jeunes, arrivés tout spécialement du continent pour l’occasion, arborent fièrement des tee-shirts à l’effigie de «leur candidat» et profitent du séjour pour distribuer des autocollants «Zemmour Président». Ils ne sont toutefois pas les seuls à apprécier son discours, notamment le volet anti-immigration.

Toujours pas de déclaration de candidature

«Je pense que je voterai pour lui s’il se présente, au moins au premier tour, assure un jeune ajaccien d’une vingtaine d’années, cheveux mi-longs et lunettes à montures épaisses. Ses idées ne sont pas tellement nouvelles, on les a déjà vues chez le Front National, mais il les expose mieux, avec plus de courage. Il se dégage des méthodes politiciennes.» A quelques mètres de là, un retraité abonde, expliquant qu’Eric Zemmour «dit la vérité» et que, dans l’absolu, «moins il y a d’immigrés, mieux on se porte».

En dépit de sa passion pour l’Empire et de l’écho de ses thèmes de prédilection dans une partie de la population insulaire, Eric Zemmour n’a pas choisi la ville de Napoléon Bonaparte pour annoncer sa candidature : il est ici, dit-il, «pour chercher l’affection des Corses», des «Méditerranéens, comme [lui]». A défaut d’affection, le polémiste aura au moins eu de l’animation.

Quelques minutes avant son arrivée sur scène, un groupe composé de militants du parti indépendantiste Core in Fronte et de syndicalistes de gauche vient manifester son opposition aux idées et à la présence de l’ancien journaliste. Une centaine de personnes, rassemblées derrière les grilles, scandent «Fasciti Fora !» (Fascistes dehors), font des doigts d’honneur et invectivent les soutiens d’Eric Zemmour.

Excédés de se voir traiter de «Français», un groupe d’Ajacciens saute les barrières et s’en prennent aux indépendantistes. S’ensuivent des échauffourées auxquelles les CRS mettent rapidement un terme. Pas de quoi refroidir les ardeurs d’Éric Zemmour, qui entame sa conférence le plus paisiblement du monde : «Je ne crée aucune tension, il y a des gens qui sont intolérants et sectaires. Tout cela est du théâtre.»

Caresser l’électorat nationaliste dans le sens du poil

Manifestement au courant que les autonomistes et les indépendantistes corses ont capitalisé plus de 67 % des suffrages aux dernières élections territoriales, le polémiste semble bien décidé à caresser l’électorat nationaliste dans le sens du poil. A la tribune, Eric Zemmour oublie opportunément son aversion pour les prénoms absents du calendrier chrétien (Ghjulia et Andria étaient les prénoms les plus populaires en Corse en 2020). Il n’hésite pas, non plus, à défendre le rapprochement des prisonniers corses dans l’île, lançant à l’auditoire : «Les plus durs d’entre vous ne sont pas des djihadistes, c’est pourquoi la punition nécessaire des coupables ne doit pas entraîner la double peine pour les familles. Il faut rapprocher les prisonniers.»

La veille, au micro de France 3 Corse, Eric Zemmour avait même reconnu, «désolé», que les plasticages perpétrés par le FLNC «ont sauvé cette région sublime du bétonnage». Démagogue, Zemmour ? Il s’en défend et ne voit pas «d’incompatibilité» entre le vote pour les nationalistes aux élections locales et la politique nationale : «Les Corses sont un peuple romain, c’est ça que j’aime chez eux. Ils aiment la grandeur. Et donc, quand la France est grande, ils sont Français. Et quand elle n’est pas grande, ils redeviennent Corses.» Vraiment dans le sens du poil.

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