Enseignante, infirmière, assistante administrative… Elles sont toujours mobilisées contre la réforme des retraites – BFMTV.COM

Enseignante, infirmière, assistante administrative… Elles avaient raconté à BFMTV.com pourquoi elles allaient se mobiliser contre la réforme des retraites. Une semaine après le début de la contestation et alors que le Premier ministre, Edouard Philippe, a dévoilé les contours de son projet, elles témoignent à nouveau. Et expliquent pourquoi, selon elles, le compte n’y est pas.

Sabrina*, assistante administrative, 47 ans

Cette quadragénaire a manifesté le 5 décembre et manifestera encore le 17 alors que l’intersyndicale appelle de nouveau à battre le pavé. “C’est compliqué dans le privé de faire la grève, c’est assez tabou et on est un peu marqué au fer rouge. Mais je poserai encore une fois mon après-midi.”

Cette mère de trois enfants se dit “déçue”. “Que la réforme prévoie une majoration des droits à la retraite de 5% dès le premier enfant, c’est bien. Mais cela ne devrait pas se faire au détriment des mères de famille nombreuse comme moi (dans l’ancien système, à partir de trois enfants, les parents bénéficiaient d’une majoration de 10%, NDLR). Et puis on ne parle plus des trimestres accordés à chaque naissance d’enfant, et cela m’inquiète.” Auparavant, chaque naissance apportait huit trimestres à la mère.

Sabrina estime par ailleurs que les annonces ne sont “pas claires”. “Je suis née avant 1975, donc en principe je ne suis pas concernée par la réforme. Mais en fait je comprends que je serai quand même concernée par l’âge pivot. Qu’est-ce que cela signifie?” Sa pension sera effectivement calculée selon l’ancien système mais si elle part en retraite avant 64 ans, elle subira un malus.

Anne*, enseignante, 42 ans

Cette professeure d’histoire-géographie en lycée a fait grève deux jours depuis le début de la mobilisation contre la réforme des retraites. Et sera de nouveau en grève le 17 décembre. “J’aurais aimé le faire toute la semaine mais financièrement, je ne peux pas. Chaque journée me coûte 80 euros.”

Enseigner après 60 ans: une aberration, juge Anne. “Comment voulez-vous qu’à plus de 64 ans, on arrive encore à faire classe face à une quarantaine d’élèves? C’est impossible. On nous reproche que nous, les enseignants, serions payés à ne rien faire, mais je crois que l’on ne se rend pas bien compte de ce que ce métier éprouvant représente en terme de difficulté.” Elle assure que du côté des enseignants, “la coupe est pleine”.

“Les conditions de travail se dégradent chaque année. Depuis la rentrée, nous avons dû fournir un travail énorme avec la réforme du lycée, tous les programmes ont changé. Et pour cela, nous n’avons même pas reçu 20 euros en plus sur notre fiche de paie. Là, à titre d’exemple, je viens seulement d’être remboursée pour les déplacements que j’ai dû faire au mois de juin pour surveiller des épreuves du bac. J’ai payé 35 euros mon billet de train, l’Education nationale m’a remboursé 30,79 euros.”

Ce n’est pas pour le montant mais pour le principe que cette enseignante est indignée. Et selon elle, “tous les signaux sont négatifs”. “On nous demande beaucoup d’efforts et on n’a rien en retour. De plus en plus de collègues envisagent de se reconvertir et de changer de métier. Cela n’aurait jamais existé il y a vingt ans.”

Cécile*, maîtresse de conférence en biologie moléculaire, 50 ans

Cette quinquagénaire a manifesté les 5 et 7 décembre et sera de nouveau dans la rue le 17. Elle considère être “menée en bateau”. Si elle n’est pas directement touchée – car née avant 1975 – et qu’elle savait déjà qu’elle devrait travailler au-delà de 62 en raison d’études particulièrement longues et d’une entrée tardive sur le marché du travail, pas question cependant d’accepter la réforme en l’état. Peut-être est-il possible de faire plier le gouvernement, espère-t-elle, bien qu’elle ne se dise pas optimiste quant aux négociations à venir. “On l’a vu avec les policiers qui ont obtenu gain de cause.” Leur régime dérogatoire a en effet été maintenu. Mais elle craint que les concessions ne soient accordées qu’au cas par cas.

“C’est tant mieux pour les policiers qui font un travail particulièrement difficile. Mais cela vaut aussi pour les pompiers, ou encore le personnel soignant. Le gouvernement veut instaurer un système de retraites universel, mais il est en train de recréer des régimes spéciaux en faisant des exceptions pour certaines corporations. Ce n’est pas équitable. Tout ça pour ça.”

Cécile regrette également que le Premier ministre comme le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, n’aient pas répondu aux questions de manière précise depuis que le contenu de la réforme a été dévoilé. “On nous parle d’une revalorisation des salaires des enseignants, mais on n’a aucune garantie.” Et dénonce le gel du point d’indice des fonctionnaires. “Cela fait dix ans qu’il n’a pas été augmenté. Si c’est la même chose pour les retraites et le calcul du point, on voit ce que ça donne et on a du souci à se faire.” Elle estime par ailleurs que le gouvernement fait preuve de mauvaise foi, notamment en ce qui concerne les femmes. Edouard Philippe a assuré qu’elles seraient “les grandes gagnantes” du système universel.

“J’ai l’impression que ceux qui nous gouvernement ne sont pas forts en mathématiques. Evidemment que les femmes vont être perdantes, il n’y a pas besoin d’avoir fait polytechnique pour le comprendre. Elles gagnent en moyenne 20% de moins que les hommes. Si c’est l’ensemble de leur carrière qui est prise en compte, elles toucheront donc encore moins à la retraite.”

Cette universitaire formule un autre reproche: le manque de transparence. “On nous assure qu’on sera gagnant avec le nouveau système, mais le gouvernement n’a toujours pas été en mesure de nous proposer un simulateur. Tout cela reste très flou.”

Léa, infirmière, 32 ans

Cette jeune femme, qui souhaite n’être présentée que par son prénom, a déjà fait grève deux jours et autant manifesté. Elle sera de nouveau mobilisée le 17 décembre. Elle habite en Seine-et-Marne et prend tous les jours le RER D pour se rendre à Paris sur son lieu de travail, mais assure qu’elle comprend la colère des cheminots.

“Je pars une heure plus tôt que d’habitude et je prends le train de 6h55. Ce week-end, nous avions des billets de train pour aller à Bordeaux, eh bien ils sont annulés. C’est vrai que c’est la galère, que ce n’est pas toujours rigolo et que ça demande de l’organisation, mais ça n’enlève pas mon soutien. Je n’en ai pas contre les cheminots qui défendent leurs droits mais contre le gouvernement.”

Des annonces d’Edouard Philippe, Léa en attendait “beaucoup”. Mais assure être profondément désenchantée. “Tous les projecteurs se concentrent sur l’âge pivot qui provoque un tollé, mais il y a bien plus grave que de partir à la retraite à 64 ans. Le problème est bien plus profond: c’est le système à points.” Elle se dit déterminée et assure qu’elle se battra “jusqu’au bout”. “Je ne veux pas que mes enfants héritent de ce système de retraite.” Car, selon elle, “on y sera tous perdant.”

“Le calcul de la retraite sur les six derniers mois de salaire ou sur l’ensemble de la carrière, c’est valable pour tous les fonctionnaires. Les enseignants, les soignants, les employés de préfecture, tout le monde va y perdre. Et dans le privé, calculer la pension sur l’ensemble de la carrière et non plus à partir des vingt-cinq dernières années, c’est mécanique, les retraites baisseront.”

Elle estime par ailleurs que cette réforme est d’autant plus inacceptable que certains privilèges persistent. L’indemnité de logement des députés est passée de 900 à 1200 euros alors que les APL ont baissé, c’est tout à fait représentatif de cette politique et de ce gouvernement qui n’a pour moi plus aucune crédibilité.”

Tous les prénoms marqués d’un astérisque ont été modifiés à la demande des personnes interrogées.

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