Royaume-Uni : Boris Johnson vers une large majorité – Libération

Le Brexit aura donc lieu le 31 janvier 2020. Les Britanniques ont offert jeudi soir une majorité absolue et retentissante au seul parti qui prônait une sortie rapide et absolue de l’Union européenne : les conservateurs de Boris Johnson. Les sondages sortie des urnes, révélés à 22 heures locales (23 heures en France), juste après la fermeture des bureaux de vote, prévoyaient 368 sièges pour le parti tory. Il leur fallait 326 sièges pour une majorité. La victoire des conservateurs est donc large et absolument sans ambiguïté. Les résultats officiels tomberont au cours de la nuit et ce n’est que vendredi matin que les chiffres définitifs seront connus. Mais les sondages sortie des urnes sont en général très fiables au Royaume-Uni et le nombre de sièges ne devrait pas varier significativement.

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Pour le Labour, la claque est terrible. Le parti de Jeremy Corbyn pourrait ne récolter que 191 sièges. Cela signifie que les bastions traditionnels travaillistes, ces régions du Midlands et du nord de l’Angleterre qui, au cours de cette élection, ont été baptisés le «Mur Rouge» sont probablement tombés dans l’escarcelle des conservateurs. Difficile d’imaginer, dans de telles circonstances, comment Jeremy Corbyn pourrait se maintenir à la tête du parti travailliste. Barry Gardiner, en charge du commerce international au Labour, a parlé d’un «résultat dévastateur», mais, de manière intéressante, John McDonnell, en charge de l’économie et de fait numéro deux du parti, n’a pas remis en cause le virage à l’extrême gauche du parti sous Corbyn. «Les gens voulaient juste en finir avec le Brexit», a-t-il réagi. La bataille sur le repositionnement du Labour sera probablement sanglante.

Le troisième parti du pays, les Libéraux-démocrates, qui prônait une annulation pure et simple du Brexit, a totalement raté ses élections en ne remportant, dans les sondages sorties des urnes, que 13 sièges, soit seulement un de plus par rapport au parlement précédent. En revanche, le parti indépendantiste écossais, le Scottish National Party, a réussi à gagner une vingtaine de sièges. Il devrait en remporter 55. Ce succès relatif du SNP permettra à sa dirigeante, Nicola Sturgeon, de pousser pour l’organisation d’un référendum sur l’indépendance écossaise. Elle s’appuiera sur le fait que l’Ecosse a voulu rester au sein de l’UE et que pour la région, l’indépendance est la seule manière de pouvoir répondre à ce souhait. Mais il y a peu de chance pour que le gouvernement de Boris Johnson prête la moindre attention à cette demande. Les écologistes ont réussi à conserver leur seul siège, à Brighton (sud de l’Angleterre). Quant au Brexit Party de Nigel Farage, il n’aura remporté aucun siège, aspiré par les conservateurs. 

Juste après les sondages sortie des urnes, la livre sterling est montée en flèche sur les marchés, un signe du soulagement des milieux d’affaires face à ce qui sera considéré comme la fin d’une incertitude.

«Get Brexit done» 

Boris Johnson avait parié sur une campagne limitée à pratiquement un seul slogan : «Get Brexit done» (réaliser le Brexit). Son programme électoral ne promettait rien de très concret, si ce n’est des investissements massifs dans les services publics, et notamment le service de santé publique, le National Health Service.

«Le véritable génie de Boris Johnson a été de rassembler derrière lui les Leavers, 78% d’entre eux avaient dit qu’ils voteraient pour lui, en revanche, les Remainers se sont éparpillés entre le Labour, les LibDem ou n’ont pas voté», a noté Sara Hobolt, professeur en politique européenne à la London School of Economics (LSE), lors d’un débat organisé à l’université.

Le Brexit aura donc bien lieu, mais la question intéressante désormais est de savoir quel genre de Brexit ? Boris Johnson s’est bien gardé d’en dessiner vraiment les contours pendant la campagne. De fait, les négociations sur la future relation avec l’Union européenne commenceront le 1er février 2020 et devraient durer, en principe, jusqu’au 31 décembre de la même année. Sa large majorité pourrait lui donner les coudées franches pour choisir un Brexit moins drastique que certains des plus eurosceptiques de son parti auraient souhaité. «Au fond de lui, Boris Johnson est sans doute un Brexiter modéré, il a toujours été plutôt un “One Nation conservateur”, plutôt centriste», a expliqué Simon Hix, professeur en sciences politiques à la LSE. Dans son manifeste, il a «mentionné le respect de hauts niveaux d’acquis sociaux et environnementaux», a-t-il souligné. Or, les nouveaux sièges remportés par les conservateurs dans les anciens bastions du Labour se situent dans des régions manufacturières et parfois défavorisées. «Il s’agit d’une toute nouvelle base d’électeurs pour les conservateurs, il faudra qu’ils répondent à leurs demandes en matière de maintien des emplois et des acquis sociaux en limitant au maximum l’impact économique négatif du Brexit».

Dans tous les sondages, pendant la campagne, le niveau de confiance en Boris Johnson a toujours atteint des niveaux extrêmement bas. Mais il semble que, pour les électeurs britanniques, cette qualité a moins compté que la promesse d’un Brexit, quel qu’il soit et quelles qu’en soient les conséquences. Trois ans et demi exactement après le référendum, le Brexit va enfin avoir lieu. 

Sonia Delesalle-Stolper Correspondante à Londres

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