Retraites : Edouard Philippe recadre Jean-Paul Delevoye – Le Parisien

Il aurait voulu le recevoir en tête à tête dans son bureau à Matignon. Mais, problème d’agenda oblige, Edouard Philippe a dû se résoudre tôt vendredi 8 novembre au matin à décrocher son téléphone pour « une explication franche » avec Jean-Paul Delevoye. La première depuis l’interview du haut-commissaire aux retraites au Parisien-Aujourd’hui en France parue la veille, que le Premier ministre − et c’est un euphémisme − n’a vraiment pas appréciée.

Cette mise au point intervient après l’opposition exprimée sans détour par Delevoye sur l’idée de la fameuse « clause du grand-père » ( NDLR : qui consisterait à appliquer la réforme des retraites aux seuls nouveaux entrants sur le marché du travail ), sortie du chapeau par l’exécutif pour tenter d’apaiser la grogne sociale à moins d’un mois, le 5 décembre, de la grande journée de grève annoncée dans les transports.

«Ce mec est scarifié par l’épisode Juppé de 1995»

Avec l’hypothèse d’un décembre noir qui hante les esprits du couple exécutif. Et particulièrement Matignon : « Si Philippe refuse pour le moment d’être dans une posture aussi ferme que Delevoye sur la réforme, c’est qu’il craint la journée du 5 décembre et le risque de contagion. Ce mec est scarifié par l’épisode Juppé de 1995. Il est tétanisé face à l’obstacle », lâche un conseiller ministériel.

Et, selon nos informations, la mobilisation du secteur hospitalier programmée le 14 novembre − à laquelle les agents des impôts ont prévu de se joindre − est déjà perçue du côté de la majorité comme une journée test. « Si le mouvement est fort, cela pourrait donner le ton pour la suite », redoute un macroniste, qui attend aussi avec inquiétude les prochaines conclusions du Conseil d’orientation des retraites (Cor), qui devraient être rendues autour du 26 novembre.

Philippe et Delevoye soufflent le chaud et le froid

Un rapport qui pourrait, s’il faisait état d’un déficit trop élevé du régime, contraindre le gouvernement à adopter des mesures en urgence. « Si le Cor annonce qu’on a 10 milliards dans la vue, ça va forcément avoir un impact sur le contenu de la réforme en cours. Et accélérer le mécanisme de la loi Touraine de 2014 (NDLR : par un allongement plus rapide de la durée de cotisation) », s’alarme déjà un proche du président de la République.

Pas simple dans un contexte où en coulisses, Edouard Philippe et Jean-Paul Delevoye soufflent le chaud et le froid depuis des mois. « Edouard a vraiment du mal avec lui. Il a le sentiment qu’on ne peut pas le gérer, qu’il la joue perso, et surtout qu’il le court-circuite en permanence », cingle un ministre.

Un pas de deux qui donne aussi une impression de flou au plus haut sommet de l’Etat, souligné d’ailleurs par Laurent Berger vendredi sur RTL : « Cela révèle qu’ils ne sont pas calés », raille le secrétaire général de la CFDT, guère emballé lui non plus par cette « clause du grand-père ».

«Je suis là pour jouer les bad cops»

Mais est-ce un pas de deux ou un… jeu de dupes ? En privé, Delevoye ne s’en cache même pas : « Dans cette réforme, je suis là pour jouer les bad cops (les méchants flics, NDLR) », assure-t-il régulièrement. Comme si les rôles étaient bien répartis : « Il participe utilement au jeu du moment en étant sur une ligne de fermeté. Il y a un jeu d’acteur des deux côtés dans cette séquence politique, jure un proche du chef de l’Etat. Comme cela, ça préserve au même moment Macron et Philippe, en attendant de voir comment l’opinion va évoluer. »

D’ici là, histoire de clore cette séquence catastrophique en matière de communication, le Haut-commissaire a tenté vendredi de rentrer bon gré mal gré dans le rang : « Un ministre est solidaire des décisions gouvernementales. J’ai très clairement dit et affirmé qu’au moment où la décision serait prise par le Président et le Premier ministre, elle serait mienne», s’est-il justifié vendredi sur BFMTV. Manière d’apaiser temporairement la polémique. Jusqu’au prochain couac ?

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