Des policiers ont défilé à Paris pour exprimer leur « ras-le-bol profond » – Le Monde

Lors de la « marche de la colère » des policiers, à Paris, mercredi 2 octobre.

Des milliers de policiers ont défilé dans les rues de Paris, mercredi 2 octobre, à l’appel d’une intersyndicale, pour dénoncer un grand malaise dans la profession et demander de meilleures conditions de travail. Le cortège, parti de Bastille aux alentours de 13 h 30, a rejoint la place de la République aux sons des pétards et des sirènes entrecoupés de Marseillaise. La démonstration de force des syndicats a réuni 27 000 personnes, selon les organisateurs, soit près de 18 % des quelque 150 000 fonctionnaires que compte la police nationale.

« La manifestation est un succès et un signal fort de la profession. C’est un avertissement sévère au gouvernement et à la présidence. On attend maintenant des réponses et des actes concrets », a déclaré Fabien Vanhemelryck, secrétaire général d’Alliance, qui marchait en tête du cortège aux côtés de ses homologues des autres organisations – une image d’unité rare dans un univers syndical marqué par les rivalités.

« Il faut redonner du sens au métier de policier. Cinquante-deux suicides depuis le début de l’année, c’est dramatique et ça montre tout le malaise dans la profession. Il y en marre de la stigmatisation des policiers », a dit Philippe Capon, secrétaire général d’UNSA Police.

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« La police est malade »

De mémoire de syndicalistes policiers, on n’avait pas vu un tel appel unitaire (gardiens de la paix, officiers et commissaires) depuis 2001. A l’époque, la mobilisation avait été provoquée par le meurtre de deux policiers au Plessis-Trévise (Val-de-Marne) par un braqueur récidiviste.

Cette fois, pas d’élément déclencheur, mais une usure opérationnelle liée au mouvement social des « gilets jaunes », pour lequel la police a été accusée de violences, et une très forte augmentation du nombre de suicides au sein de la police nationale. Quelques « gilets jaunes », dont Eric Drouet, ont essayé de s’approcher du cortège. Les gendarmes mobiles, qui encadrent la manifestation, les ont empêchés de s’approcher des manifestants policiers, drapeaux et fumigènes bleus de sortie.

« Nous sommes venus ici pour nous battre pour nos conditions de travail, et surtout pour rendre hommage à nos collègues qui ont mis fin à leurs jours », déclare Damien, 24 ans, policier à la brigade des réseaux transiliens, à Paris. « Nous sommes là car c’est un ras-le-bol », explique Yves, 54 ans, policier à Montpellier. « On remet en cause la réforme des retraites, les politiques, les médias, le traitement des affaires. Pour nous, il n’y a jamais de présomption d’innocence. »

Les policiers au départ de la « marche de la colère », place de la Bastille, à Paris, mercredi 2 octobre.

Cinq points sont au cœur des revendications des policiers : « l’amélioration de la qualité de vie au travail », « une véritable politique sociale pour les agents du ministère de l’intérieur », « une réponse pénale réelle, efficace et dissuasive », « la défense des retraites » et une future loi d’orientation et de programmation « ambitieuse ».

« Il y a un ras-le-bol profond, fait valoir David Le Bars, secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN-UNSA). Tous les syndicats ont conscience que la police est malade. » « On est au-delà des moyens. Une enveloppe budgétaire ou la future Loppsi [loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure] ne régleront pas tout », complète le syndicaliste, qui met également en avant les craintes liées à la réforme des retraites.

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La question des retraites au cœur de la colère

Ce futur big bang est, en effet, l’un des principaux points de tension entre l’exécutif et les syndicats policiers, qui craignent une remise en cause de leur avantageux système de bonifications. Actuellement, les policiers bénéficient d’une bonification spéciale, dite « du cinquième » ou « quinquennale », qui leur offre une annuité (quatre trimestres) de cotisation tous les cinq ans. Elle est plafonnée à cinq annuités et, pour y être éligible, le fonctionnaire doit avoir exercé vingt-sept ans.

Or les propos du ministre de l’intérieur ne dissipent pas les inquiétudes. « Il y aura une modification de leur régime comme pour tous les Français, mais il y aura la prise en compte de la dangerosité de leur métier de policier », a affirmé Christophe Castaner, mercredi, sur France 2. « Il faut faire la différence entre ceux qui sont dans un métier dangereux et l’ensemble des fonctionnaires du ministère de l’intérieur qui ne sont pas confrontés aux mêmes réalités », a aussi déclaré le ministre, qui avait auparavant promis de défendre « jusqu’au bout la spécificité du statut » des forces de l’ordre.

Pancarte vue dans la manifestation des policiers, mercredi 2 octobre, à Paris.

Face à cette nouvelle fronde, le ministère de l’intérieur met en avant les efforts budgétaires et les mesures entreprises depuis l’arrivée du duo Castaner-Nuñez en octobre 2018. « Il ne s’agit pas du tout de nier les difficultés que peuvent rencontrer les policiers. Depuis un an, on sait qu’ils ont été mis à rude épreuve », avance l’entourage de Christophe Castaner.

« La police souffre d’un abandon budgétaire depuis de très longues années », a affirmé le ministre, mercredi, devant le Sénat, en rappelant les 13 500 suppressions de postes sous le quinquennat Sarkozy. Mettant en avant la promesse des 10 000 créations chez les forces de l’ordre d’ici 2022, il a aussi souligné l’augmentation du budget de la police depuis le début du quinquennat, d’un milliard d’euros. Des discussions autour d’un Livre blanc sur la sécurité intérieure doivent être lancées mi-octobre, prélude à une loi d’orientation et de programmation prévue en 2020.

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