La «convention» de la droite de Marion Maréchal-Le Pen vire à la caricature radicale – Libération

Ce samedi avait lieu à Paris la «Convention de la droite». Inspiré du raout des conservateurs américains, l’événement créé par les amis de la nièce de Marine Le Pen visait à lui faire incarner une soi-disant union entre LR et RN. Il s’est révélé n’être qu’une tribune pour les voix et les thèmes rebattus de la droite extrême vociférante et décomplexée.

Musique de cirque à fond les ballons, une marée de supporters en mal de sensations s’est postée dans les rangées de chaises en velours, attend son shoot d’adrénaline. Sur une table, des bouquins aux couvertures flippantes pour gens flippés, Guérilla, la France Bâillonnée, la France interdite, le suicide français. Autour : décor rassurant. Il y a des palmiers, un plafond en nuit étoilée. Un maître de cérémonie en costume, cravate rouge, regard exalté, braille dans son micro-bouche, donne l’impression de vivre quelque chose, au public plutôt jeune et plutôt bourge. Marion Maréchal-Le Pen est au premier rang. L’événement a été organisé pour et avec elle, car certains lui imaginent un destin présidentiel, bien qu’elle soit (officiellement) retraitée de la politique. Quelqu’un a appelé la chose la «convention de la droite».

Sur scène, un petit nerveux au front transpirant raconte aux gens pourquoi ils ont peur et pourquoi ils ont raison. Il est arrivé plus tôt entouré de malabars, pour faire croire que son discours dérange et qu’on veut l’interdire. Il a été accueilli en «héros d’une génération» et les gens se sont levés pour l’applaudir. Il a les bras raides sur son pupitre, prend la tronche du percepteur engageant quand, le visage incliné et la voix posée, il s’apprête à appeler à ce qui ressemble à la guerre raciale. Il s’agit d’Eric Zemmour, prédicateur xénophobe, il vient d’être condamné pour incitation à la haine religieuse. Confirmé sur RTL et au Figaro où il officiait, il aura sa chronique quotidienne cette année sur CNEWS et son discours du jour est retransmis en direct sur LCI. Il est une caricature de lui-même, et quand il ouvre la «convention de la droite», on constate que ce qui avait été présenté comme un moment politique important, pour l’avenir du pays et pour «l’union des droites» censée être incarnée par Marion Maréchal, n’est qu’un théâtre de guignol des droites extrêmes.

«les Français de souche vont devoir se soumettre»

Zemmour, qui a un livre à vendre, éructe un discours de soûlard en bout de table, parle du «mâle blanc hétérosexuel catholique» attaqué par ces femmes qui «n’ont plus besoin du contact dégoûtant des hommes» pour enfanter, à cause des «prédateurs étrangers» et des «LGBTYQ et autres X, Y, Z», même qu’on interdirait «les comportements virils». Il dit que «tous nos problèmes sont aggravés par l’immigration, et sont aggravés par l’islam», parle de «colonisation» et de «remplacement de notre peuple par un autre peuple et une autre civilisation», et les gens en redemandent quand Zemmour explique que «la continuité entre les vols et des viols et les attentats : ce sont les mêmes qui les commettent». Et puis «les jeunes Français vont-ils accepter de vivre en minorité sur la terre de leurs ancêtres ou bien se battre pour leur libération ?». Enfin : «ne croyez pas ceux qui vous mentent, les Français de souche vont devoir se soumettre, et je vous laisse deviner qui seront bientôt les Indiens». Standing-ovation.

Marion Maréchal Le Pen, arrive à la "Convention de la droite" pour la journée de débats politiques, à Paris, le 28 septembre 2019.

Dans le public, on reconnaît quelques têtes, dont un délégué départemental RN de Sarthe, Pascal Nicot. Mais aussi la gilet jaune Fiorina Lignier, qui a été candidate aux Européennes sur la liste de Renaud Camus, le théoricien du Grand remplacement. Une fois, Fiorina Lignier a été vue dessinant des croix gammées dans le sable, en Normandie.

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On est au milieu de l’après-midi et Robert Ménard, le maire de Béziers et candidat à sa réélection, vient de, plus ou moins, envoyer balader tout ce beau monde. À la tribune : «Ça sert à rien ce qu’on fait ici. J’ai plus envie de vous voir, c’est terminé. Il faut arrêter de parler de politique, il faut que vous en fassiez. Venez vous frotter au réel !» L’homme, qui lui aussi a un moment donné a voulu incarner «l’union des droites», avait organisé il y a trois ans un événement similaire. Mais, pauvre en têtes d’affiche, le truc avait tourné au fiasco. Et on n’avait retenu qu’une seule chose, le départ de… Marion Maréchal. Ménard serait-il rancunier ? Il dit : «non. Mais la vie existe en dehors des conventions. Moi je suis élu, dans ma ville, je suis au pouvoir. Y’en a pas un ici, qui est au pouvoir. La politique, il faut l’incarner, je vais pas discuter avec des gens qui se demandent tous les deux mois ce qu’il faut faire.»

15 heures. Le prof de philo star des twittos Raphaël Enthoven a accepté l’invitation des organisateurs de la Convention, il est venu porter la contradiction. «Le retour en arrière ne fait pas un avenir. Tout cela ne rassemble que les craintifs», lance-t-il. Il cite Romain Gary : «le patriotisme, c’est l’amour des siens. Le nationalisme, c’est la haine des autres». Et à l’assistance : «vous êtes beaucoup trop réacs pour gagner quoi que ce soit.» Et «la souche, ça n’est qu’un arbre sans tête». Tout cela n’est-il que provocation? Un organisateur de l’événement trouve la chose «très théâtrale. Il a dû se la jouer douze fois devant le miroir avant de se lancer». Et quand Enthoven évoque la nécessité d’«assumer les crimes contre l’humanité» pour ne pas «donner à la francité tous les attributs du communautarisme», on entend dans la salle des «retourne en Algérie», «connard», «honteux», «caca». Un observateur : «il a du courage d’être venu, mais ce soir, c’est à ses copains bobos parisiens qu’il va faire le compte rendu de ce qu’il a vu».

Le tout et le rien

Marion Maréchal-Le Pen prend la parole à 19h30, une fois les esprits calmés. L’ex-députée FN du Vaucluse et toujours encartée juge le Rassemblement national, présidé par sa tante Marine Le Pen, «pas suffisant» pour gagner en 2022, pense que l’effondrement de LR représente «une opportunité». «Il faut rompre avec la droite des experts-comptables», dit-elle dans un discours sans profondeur. Puis, «nous avons des ambitions, non pas de droite, mais françaises». Avant de lancer un vibrant «agissons, et demain nous aurons le pouvoir», elle développe les cinq piliers de son idéologie : «le grand remplacement, le grand déclassement, le grand épuisement (écologique), le grand basculement (anthropologique) et le grand affrontement (des puissances étrangères)». Le premier représente le changement de population théorisé par Renaud Camus et développé par Zemmour dans la matinée, le second fait du gringue aux gilets jaunes et à la France périphérique comme savent le faire les populistes, celui sur l’écologie copie-colle le discours de Marine Le Pen et des identitaires sur le localisme, le reste agite l’épouvantail de la GPA comme pourrait le faire François-Xavier Bellamy, l’ancienne tête de liste catho-réac LR aux Européennes. En somme, rien d’original : Marion Maréchal est à la fois le tout et le rien de la droite radicale.

Interrogée par BFMTV avant le discours de sa nièce, Marine Pen a dit avec ironie «attendre avec impatience de voir s’il y a des éléments qui sortent de la [convention de la droite] qui permettrait d’élargir l’électorat de ceux qui veulent défendre la France». Et Marion Maréchal-Le Pen lui a prouvé plus tard qu’elle en était bien incapable. À la sortie, deux étudiants, 21 et 19 ans, dont l’un encarté LR, refont le match : «il n’y a rien d’original dans ce que dit Marion Maréchal, mais au moins elle a défini un corpus. Il manque le panache de l’incarnation. L’union des droites ? Pourquoi faire l’union d’appareils morts ? Elle est plus proche d’un Bellamy que de Marine Le Pen, mais il faut arrêter la guerre des ego. À la fin, de toute façon, tout le monde ne pourra pas l’incarner, cette “union des droites”».

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