5G : Bruxelles met les partenaires de Huawei sous pression

5G : Bruxelles met les partenaires de Huawei sous pression

Les membres de la Commission le disent et le répètent : Huawei n’est pas interdit mais… Interrogé ce lundi sur le plateau de BFMTV, le Commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton n’a pas dérogé à cette règle en usant d’un vocabulaire pour le moins diplomatique à l’évocation du constructeur chinois. Si celui-ci – qui fait depuis des mois l’objet d’une croisade de la part de Washington qui l’accuse d’entretenir des accointances avec le régime chinois – a encore droit de cité sur le Vieux Continent, sa position se révèle d’une extrême précarité.

Fin janvier, la Commission européenne a en effet approuvé la publication d’une « boîte à outils » contenant les « outils nécessaires pour construire et protéger une infrastructure européenne présentant les normes de sécurité les plus élevées ». Traduction : Bruxelles a établi une liste de critères auxquels doivent répondre les fournisseurs de 5G pour ne pas être considérés comme “à haut risque” et se voir barrer la route du continent européen. Charge désormais aux Etats et aux opérateurs de se saisir de ce document, comme l’a fait observer l’ancien PDG d’Atos et de France Télécom.

« Sur les réseaux 5G, on va développer des applications nouvelles, totalement critiques, comme la gestion d’une flotte de véhicules ou la gestion d’une usine ou d’un hôpital. Ce qui fait que les Etats et la Commission ont indiqué vouloir accueillir tout le monde mais selon nos critères. Les 27 Etats, à l’unanimité, ont décidé des critères pour qualifier ce que serait un fournisseur à haut risque. Chacun se reconnaîtra, ces critères sont très précis et permettent désormais à chacun de décider quel fournisseur est à haut risque ou pas », a indiqué ce dernier, en reléguant ainsi toute la pression sur les épaules des Etats membres et des opérateurs nationaux, qui seront tenus responsables des éventuels choix de leurs fournisseurs de technologie 5G.

publicité

Bruxelles rejette toute responsabilité

Au-delà des seuls gouvernements nationaux, c’est davantage aux opérateurs – qui pourraient être tentés d’opter pour Huawei – que le Commissaire européen a choisi de s’adresser. « Si jamais on a recours à un fournisseur qui lui-même est dépendant d’un Etat et qui peut faire courir un risque pour les données qu’il opère, ce sera très ennuyeux d’autant que la responsabilité des conseils et des administrateurs est, depuis le lancement du RGPD, potentiellement appelable », a-t-il fait savoir.

Si le langage utilisé se révèle d’une grande diplomatie, le fond du discours s’avère beaucoup plus prosaïque. En clair : Bruxelles n’entend pas trinquer pour les manquements éventuels des Etats et des opérateurs, qui seront seuls responsables de leurs actes en cas de fuite de données avérée. Si leur responsabilité pourra être mise en cause dans le cadre du RGPD, celle de leurs clients concernés par ces fuites pourra également être avancée.

« Sans parler des clients qui vont utiliser ces réseaux et qui vont avoir la responsabilité, par exemple, d’une flotte de véhicules connectés. Si jamais il y a un problème, on va leur demander pourquoi avoir choisi tel ou tel opérateur, donc c’est toute la chaîne qui est aujourd’hui responsable », a ainsi expliqué Thierry Breton.

Les opérateurs sous pression

De quoi peut-être amener les opérateurs Bouygues Telecom et SFR à renoncer aux sirènes de Huawei, leur partenaire traditionnel sur le territoire français.

Rappelons en effet que si le constructeur chinois doit encore obtenir l’aval de Matignon et de l’ANSSI pour opérer dans l’Hexagone, son exclusion pourrait avoir son importance pour ces opérateurs, tous deux tentés de continuer à se fournir auprès de Huawei pour le déploiement de leurs futurs réseaux 5G. Alors qu’Orange a d’ores et déjà annoncé parier sur Nokia et Ericsson et que Free misera pour sa part sur Nokia, tous les yeux sont désormais tournés vers eux.

Et autant dire que ces derniers sont remontés contre les mesures particulières imposées à leur partenaire chinois. Après Arthur Dreyfuss, le secrétaire général d’Altice France, qui avait exigé en janvier une indemnisation financière si d’aventure la France leur interdit tout recours à la technologie de Huawei, l’état-major de Bouygues Telecom s’est également mobilisé lors de l’annonce des résultats annuels du groupe Bouygues. La direction de l’opérateur a ainsi estimé qu’interdire aux opérateurs télécoms déjà équipés d’infrastructures Huawei de recourir à l’équipementier chinois pour la 5G pourrait engendrer une distorsion de la concurrence sur le marché français.

Leave a Reply

Discover more from Ultimatepocket

Subscribe now to keep reading and get access to the full archive.

Continue reading