“10% de la population de chaque pays” vaccinés en septembre : derrière ce chiffre, quels objectifs ? – LCI

ÉCLAIRAGE – Face aux inégalités observées en matière de couverture vaccinale à travers le monde, le chef de l’Organisation mondiale de la santé plaide pour un élargissement massif de la vaccination avec un premier palier à atteindre au sortir de l’été. À quoi correspond-il ?

“Plus de 75% de tous les vaccins ont été administrés dans seulement dix pays”.  Appelant à un élargissement massif de la vaccination, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déploré lundi 24 mai qu’un “petit groupe de pays” accaparent les vaccins contre le Covid, et réclamé qu’“au moins 10% de la population de chaque pays” puissent être vaccinés d’ici septembre. 

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Si cet objectif est loin des chiffres mentionnés en matière d’immunité collective, il fait figure de premier palier. Avec quels bénéfices directs et indirects escomptés ? Que nous apprend en l’exemple des pays aux campagnes de vaccination déjà bien avancées ? On fait le point.

Une première étape sur le front de la circulation virale

S’il semble difficile en matière d’épidémiologie d’arrêter un seuil précis où les effets de la vaccination se font ressentir, les experts s’accordent à dire que les derniers sont graduels jusqu’à atteindre l’immunité collective. En février 2021, alors qu’à peine 3% de Français étaient vaccinés, Stéphane Paul, immunologiste au CHU de St-Étienne et membre du comité vaccin Covid-19 évoquait justement ce premier palier symbolique auquel a fait référence lundi 24 mai par le chef de l’OMS. “Il faut avoir au moins 10 % de la population vaccinée pour observer un ralentissement de l’épidémie“, expliquait ainsi le chercheur spécialisé dans les vaccins à BFMTV.com Stéphane Paul. 

À titre de repère, dans l’Hexagone, il aura fallu attendre près de quatre mois après le lancement de la campagne de vaccination, le 26 décembre, pour franchir ce seuil. Selon les données portant sur la journée du 30 avril, la France a en effet passé le cap des 10% de sa population ayant reçu ses deux doses (ou la seule dose du vaccin Janssen). Soit 6,77 millions de personnes vaccinées. 

Que nous apprend l’exemple français ?

Mais trois semaines plus tôt, soit début avril, de premiers effets de l’immunité vaccinale semblaient déjà visibles en France, notamment chez les tranches d’âge les plus vaccinées. En effet, alors que plus de 75% des personnes âgées d’au moins 75 ans avaient reçu à cette période une première dose (environ 32% les deux), le taux d’incidence des plus de 80 ans est resté bien plus bas que les autres tranches d’âge, en augmentant moins vite, selon les données du ministère de la Santé et relayées par CovidTracker. Et entre le 15 et 30 avril, le nombre de contaminations est passé de 34.000 à moins de 24.000 nouveaux cas quotidiens au sein de l’Hexagone, suivant la même tendance que dans la plupart des autres pays européens.

De quoi conforter les objectifs initiaux fixés par la Haute autorité de santé en prévision du lancement officiel de la campagne française. “Le contrôle de l’épidémie par la vaccination ne peut être un objectif poursuivi à ce stade”, pouvait-on lire dans un avis daté de novembre 2020 où il était plutôt question dans un premier temps de “réduire les formes graves et les décès et maintenir le système de santé en période d’épidémie”. Si les premiers effets de vaccination semblent donc dans un premier temps se mesurer sur la mortalité et la protection des plus fragiles, il n’en demeure pas moins avec une couverture vaccinale oscillant avec les 10% le virus continue de circuler activement. “Si on arrive petit à petit à une couverture qui monte à 15, 20, 30%, on aura déjà un bénéfice au niveau de la population”, a eu l’occasion d’expliquer, à propos de la Belgique, l’épidémiologiste Yves Coppetier pour la RTBF.

Un pas de plus vers l’immunité collective ?

“Personne ne sera en sécurité tant que nous ne serons pas tous en sécurité. Faire face à la pandémie et s’en remettre ne sera possible que lorsque les vaccins parviendront aux populations vulnérables dans le monde entier”, ont expliqué ce lundi, six dirigeants de pays d’Amérique latine et des Caraïbes réclamant à la communauté internationale un accès équitable aux vaccins contre le Covid-19. Or, soulignent-ils “au total, les pays aux faibles revenus n’ont reçu que 0,3% des doses mondiales”, tandis que sur les 1,3 milliard de doses de vaccins déjà administrées dans le monde, plus de la moitié l’ont été dans cinq pays, qui concentrent 50% du PIB mondial attestent des données officielles. L’apparition de “variants nouveaux et plus dangereux du virus du Covid-19 met en évidence le fait que la vaccination isolée, par pays, est une stratégie peu efficace pour sortir de la phase aiguë de la pandémie”, ajoutent-ils.

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L’étendue géographique de la couverture vaccinale vient donc s’ajouter à de premières données relatives à l’immunité collective qui faisaient jusque-là surtout mention de seuils à atteindre. Dans une étude parue en juillet dernier dans l’American Journal of Preventive Medicine, on apprenait notamment que pour atteindre l’immunité collective, l’efficacité du futur vaccin devrait être d’au moins 60%, dans le cas où 100% de la population se faisait vacciner. Dans le cas où la couverture vaccinale descendait à 75%, lorsque la vaccination n’est pas obligatoire par exemple, l’efficacité du vaccin devrait alors atteindre 80%. Mais même un taux d’efficacité compris entre 40 à 60% pourrait déjà changer la donne en permettant de contrôler la pandémie. Ainsi, les chercheurs ont calculé qu’un vaccin efficace à 40% permettrait d’éviter 89,5 milliers de jours d’hospitalisation et 2,8 millions de personnes mises sous ventilation artificielle. 

Dans un rapport sur la stratégie de vaccination rendu début juillet, le Conseil scientifique estimait de son côté, s’appuyant sur les travaux de chercheurs suédois et britanniques, qu’une “immunité de groupe pourrait être obtenue par la protection de 43-49 % de la population”. Cela, à la seule condition que le vaccin soit stérilisant, c’est-à-dire qu’il fasse barrage à la transmission du virus, en plus de réduire la sévérité de la maladie chez ceux qui les ont reçus. À l’échelle de la France, les chercheurs estiment que 60 à 70 % de la population devrait avoir été vaccinée ou infectée, pour atteindre l’immunité collective, soit un peu plus de 40 millions de Français. À l’échelle du continent, le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton estime que cet objectif pourrait être atteint en juillet.

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