Comment l’Europe espère se passer du gaz russe – BFM Business

Le gaz sera-t-il coupé entre la Russie et l’Europe? Dans ce jeu de poker menteur, Bruxelles tente de trouver la parade au chantage russe. La Commission européenne a esquissé un plan d’action pour se passer du gaz russe.

Le printemps est bien là en Europe. Dans un contexte énergétique étouffant, les températures qui grimpent donnent un peu d’air aux Européens. En cette fin mars, les réserves de gaz naturel ne dépassent pas 25% de leur capacité mais le redoux fait diminuer la consommation globale. Mieux, depuis quelques jours, l’Europe reçoit globalement plus de gaz qu’elle n’en consomme, ce qui permet donc de relancer (timidement) le stockage.

Le gel d’avril 2021 doit rappeler que la météo est imprévisible mais le beau temps actuel devrait néanmoins permettre d’affronter un éventuel nouvel aléa climatique sereinement, du côté du gaz. En réalité, les Etats ont surtout les yeux braqués sur l’hiver prochain avec un contre-la-montre lancé pour remplir les réservoirs de gaz naturel.

Y-aura-t-il du gaz russe dans la tuyauterie européenne? Tous les acteurs, à commencer par le patron de TotalEnergies, reconnaissent qu’il n’est pas possible de s’en passer. Mais les tensions diplomatiques surpassent parfois le bon sens économique. Mercredi, Vladimir Poutine a intimé aux pays européens de payer Gazprom en roubles, pour aider la devise russe. Une telle demande s’apparente à “une rupture de contrat”, lui a répondu Berlin.

Task force européenne

Pour pallier une éventuelle coupure des approvisionnements, la Commission européenne s’échine à chercher des solutions alternatives. Bruxelles a présenté, mercredi, ses options pour faire face à un scénario catastrophe et surtout se projeter dans un futur plus lointain sans gaz russe.

“L’Europe doit prendre rapidement des mesures afin de garantir l’approvisionnement énergétique pour l’hiver prochain et alléger la pression exercée sur nos citoyens et nos entreprises par des factures énergétiques élevées” a promis la commissaire chargée de l’énergie, Kadri Simson.

Première règle: obliger les Etats-membres à remplir à 80% les capacités de stockage de gaz au 1er novembre et même à 90% pour les prochaines années. Cette mesure existe déjà en France mais pas dans tous les pays. L’Allemagne affichait, par exemple, un niveau historiquement bas fin septembre dernier. De la même façon, l’Autriche n’avait rempli qu’à moitié ses capacités de stockage.

Mais cette obligation européenne ne changera pas grand-chose au problème russe. Bruxelles propose donc de mutualiser les commandes des pays européens, en mettant en place une “task force” chargée, sur le modèle des commandes de vaccins, de négocier les prix et surtout rafler le plus de commandes possibles.

“En mutualisant la demande, la task force faciliterait et renforcerait le rayonnement international de l’UE auprès des fournisseurs en vue de garantir des importations à des prix intéressants en prévision de l’hiver prochain”, explique la Commission européenne dans un communiqué. En réalité, l’expérience des vaccins a montré que c’est bien le plus offrant qui rafle les commandes.

Le sauveur GNL?

L’autre problème, c’est le manque d’alternatives. La Norvège ou l’Algérie, principaux fournisseurs avec la Russie, n’ont pas la capacité d’augmenter leur production à court terme.

La solution de rechange doit être le gaz naturel liquéfié (GNL) qui est transporté par tanker et qui ne dépend donc pas des gazoducs. Cette option offre de nouvelles voies d’approvisionnement aux Européens: le Qatar principalement mais aussi le Nigéria ou l’Australie. Et surtout les Etats-Unis alors que le président Joe Biden est arrivé à Bruxelles, ce mercredi. “Je discuterai demain avec le président Biden des moyens permettant d’accorder la priorité aux livraisons de GNL des Etats-Unis à l’Union européenne dans les prochains mois”, a expliqué la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen devant le Parlement européen à Bruxelles.

“Notre objectif est d’obtenir un engagement sur des livraisons supplémentaires pour les deux prochains hivers”, a-t-elle ajouté.

Reste qu’il faudrait remplacer les quelques 140 milliards de mètre cubes de gaz russe. “C’est impossible, c’est une chimère”, expliquait sur BFM Business Vincent Demoury, délégué général de GIIGNL (Groupe International des Importateurs de Gaz Naturel Liquéfié). “Quand on entend la Commission européenne dire qu’on va importer 50 milliards de mètres cube de GNL supplémentaires d’ici la fin de l’année, c’est irréaliste, illusoire. Il ne faut pas se leurrer.”

L’Europe doit d’abord faire face à une concurrence redoutable de la Chine, très consommatrice de gaz. De la même façon, l’Europe est plutôt bien équipée en terminaux méthaniers indispensables pour regazéifier le GNL importé mais ce ne sera pas suffisant pour remplacer rapidement le gaz russe.

Si les vannes se fermaient, l’Europe devra faire face à une crise énergétique profonde. Les solutions existent: énergies renouvelables, nucléaire, hydrogène, biomasse… mais là encore toutes ces options ne peuvent être massivement développées dans un laps de temps aussi serré.

De façon plus réaliste, le fioul voire le charbon pourraient remplacer une partie du gaz tandis qu’une forte sobriété énergétique pourrait permettre des économies bienvenues. En croisant les doigts pour que l’hiver prochain soit doux…

Thomas Leroy Journaliste BFM Business

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